Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/115

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M Lovelace, à M Belford.

la lettre suivante est d’une nature, j’ose le dire, qui a dû faire souhaiter aux deux insolentes beautés qu’elle ne tombât jamais entre mes mains. Elle m’apprend d’où est venu le mécontentement de Miss Harlove par rapport à mes articles. Je n’ai pas mis dans la conclusion autant d’ardeur qu’elle s’y était attendue. Dorcas, à qui cette lettre est tombée à transcrire, n’en a pas omis une seule ligne. Aussi l’auras-tu presque entière, à l’aide de mes abréviations. Le petit démon s’imagine , dit-elle, que les hommes de notre trempe ne peuvent ressentir les mêmes ardeurs que les honnêtes gens . Que penses-tu de cette idée, Belford ? Miss Howe doit s’imaginer de jolies choses. La charmante fille ! Plût au ciel que je pusse découvrir si ma belle lui répond dans des termes aussi libres ! qui sait, ajoute-t-elle, si je n’ai pas à rompre avec une demi-douzaine de créatures, avant que de prendre un engagement pour la vie ? Mais, de peur que cela n’ait l’air d’un compliment qui pourrait faire juger que je pense à la réformation, elle se hâte d’assurer qu’il ne faut pas s’attendre de me voir honnête avant ma grande année climatérique . Elle doit avoir une haute opinion de son sexe, pour s’imaginer qu’un homme qui connaît si bien les femmes puisse les aimer si long-temps. lui, dit-elle, chercher un prétexte pour des délais, dans le compliment qu’il doit à Milord M ? Oui, moi, ma très-chère. Parce qu’un homme n’est pas accoutumé à faire ce qu’il doit, faut-il qu’il ne le fasse jamais ? Le cas n’est-il pas assez important ? Toute la famille n’y est-elle pas assez intéressée ? il est bien vrai, dit-elle à Miss Harlove, que vous auriez eu besoin de l’entremise d’un ami. Mais, à votre place, j’aurais arraché les yeux au monstre, et j’aurais laissé à son propre cœur le soin de lui en apprendre les raisons . Eh bien, Belford, les bras ne te tombent-ils pas d’étonnement ? On m’appelle ensuite misérable et infame personnage : pourquoi ? Parce que j’ai désiré que le lendemain fût le jour heureux, et parce que j’ai marqué du respect pour mon plus proche parent ! c’est le sort le plus cruel du monde pour une femme, continue-t-elle, d’être forcée de prendre un homme que son cœur méprise . Voilà de quoi je souhaitais d’être sûr. Je craignais que ma charmante ne connût trop ses perfections, sa supériorité. Je tremblais qu’elle n’eût effectivement du mépris pour moi. Je suis éclairci, et je ne le puis supporter. Mais mon intention, Belford, n’est pas de réduire ma charmante à un sort si cruel. Que je sois abymé, si je deviens le mari d’une femme qui a donné sujet à son amie intime de dire qu’elle me mée ! Lovelace méprisé ! Qu’en dis-tu ? son poing, qu’il a tenu fermé sur son front, lorsque vous vous êtes retirée en colère (c’est dans une occasion où la belle n’a point été satisfaite de mes ardeurs et de tout ce que tu voudras. Je me souviens du mouvement que je fis, mais elle avait alors le dos tourné vers moi : ces vigilantes personnes sont toutes composées d’yeux. Remarque le souhait,) son poing ! Que n’était-il une hache entre les mains de son plus mortel