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Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/116

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ennemi ! patience, patience, Belford. Mon jour n’est pas éloigné. Je me rappellerai toutes ces circonstances pour m’endurcir le cœur. Mais on promet de méditer un plan qui pourra servir à délivrer ma conquête de mes mains, si je lui donne quelque raison de me soupçonner . Au fond, ce projet m’alarme. Le combat devient sérieux. Tu ne seras pas surpris, si je lâche la bride à mes inventions : le norris me revient à l’esprit, Belford. Je ne veux point qu’on l’emporte sur moi par la ruse. encore une fois, dit-elle, rien ne la porte à croire que je puisse ou que j’ose attaquer son honneur . Mais son homme est un fou : c’est tout ce qu’elle en peut penser . Je serais un fou, comme elle le dit, si je pensais au mariage. malgré cela, conclut-elle, faites votre mari de ce fou, à la première occasion ; et quoique j’appréhende qu’il ne soit un fou intraitable comme sont tous les fous qui ont de l’esprit et de la vanité, prenez-le comme une punition, puisque vous ne sauriez le prendre comme une récompense . Crois-tu, Belford, que cela soit supportable ? Mais dans la lettre que je me suis procurée aujourd’hui, pendant que la belle était à l’église, tout le plan de Miss Howe est à découvert. C’est une assez maudite lettre, je t’assure. M Lovelace transcrit ici toute la partie de la lettre de Miss Howe, qui contient le dessein qu’elle a d’engager Madame Towsend à donner une retraite à son amie, jusqu’à l’arrivée de M Morden. Il répète le serment de se venger, sur-tout à l’occasion de ces termes : s’il entreprenait quelque chose qui le soumît à la rigueur des loix, vous en seriez heureusement délivrée, soit par la fuite, soit par la corde : n’importe lequel des deux . Il ajoute : je me fais une gloire de terrasser deux filles qui en savent trop pour douter de leur savoir ; et de les convaincre qu’elles n’en savent point assez pour se garantir des inconvéniens d’en savoir trop. Que la passion est féconde ! J’ai fait, comme tu vois, en fort peu de tems, une lettre d’une prodigieuse longueur. à présent que mes ressentimens sont échauffés, je veux voir, et peut-être punir cette beauté fière et doublement armée. Je lui ai fait demander la permission de souper avec elle. Nous n’avons dîné ni l’un ni l’autre. Elle a refusé de prendre le thé cette après-midi ; et je crois qu’elle et moi, nous n’aurons pas beaucoup d’appétit à souper.



Miss Clarisse Harlove, à Miss Howe.

dimanche, 21 mai, à sept heures du matin. J’allai hier à la comédie avec M Lovelace et Miss Horton. Cette pièce, comme vous savez, est extrêmement touchante à la seule lecture. Vous ne serez pas surprise que la représentation nous ait fort émues, Miss Horton et moi, si je vous dis, et même avec quelque plaisir, que, dans quelques-unes des principales scènes, M Lovelace n’a pu cacher lui-même son émotion. C’est l’éloge de l’ouvrage que je prétends faire ici, car je regarde M Lovelace comme un cœur des plus durs. En vérité, ma chère, c’est l’opinion que j’ai de lui. Cependant toute sa conduite, pendant la pièce comme à notre retour, est irréprochable ; excepté qu’il s’est obstiné à vouloir que j’aie soupé en