Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/163

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Je suis obligé de finir ici, quoiqu’au milieu d’une narration si intéressante. J’ajoute seulement que le pauvre Belton a besoin de toi ; car, pour tout au monde, je n’ose m’écarter. Mowbray et Tourville se tourmentent beaucoup ; comme des vagabonds sans chef, sans mains et sans ame, depuis qu’ils n’ont plus ni toi ni moi pour les conduire. Apprends-moi comment se porte ton oncle.



M Lovelace, à M Belford.

samedi 22 de mai. Cette aventure du capitaine Tomlinson a fait notre unique entretien, non-seulement pendant toute la soirée d’hier, mais ce matin encore pendant tout le déjeûner. Ma belle ne cesse pas de croire que c’est le prélude d’une malheureuse entreprise de la part de Singleton. J’ai répondu qu’il y a beaucoup plus d’apparence que c’est une invention du colonel Morden, pour lui causer un peu d’alarme, et que les voyageurs, à leur retour, prennent quelquefois plaisir à surprendre. Pourquoi, très-chère Clarisse, lui ai-je dit, donnerions-nous l’interprétation la moins favorable à tout ce que nous ne saurions bien expliquer ? Elle m’a répondu que, depuis quelque tems, il lui était arrivé tant de choses désagréables, qu’elle ne pouvait empêcher que ces craintes ne fussent souvent plus fortes que ses espérances. C’est ce qui me fait craindre, ai-je repliqué, de vous voir tomber dans un abattement qui vous rende insensible au bonheur qui se prépare pour nous. Elle espérait, m’a-t-elle dit gravement, que son respect et sa reconnaissance pour le dispensateur de tous les biens, la garantiraient de l’ingratitude ; et la reconnaissance, dans un cœur, produisait le même effet que la joie. Ainsi, Belford, toutes ses joies futures portent sur des biens invisibles. Elle a raison ; car ceux qui comptent le moins sur les causes secondes, sont les moins exposés à voir manquer leurs espérances. Gravité, comme tu vois, pour gravité. à peine avait-elle cessé de parler, que Dorcas est venue d’un air effrayé. Elle m’a causé à moi-même une sorte de palpitation. Mais il s’est passé bien d’autres mouvemens dans le cœur de ma charmante, comme je l’ai remarqué à son sein, qui se soulevait jusqu’au menton. Ces gens du bas ordre, a-t-elle observé, tendent toujours stupidement au merveilleux, et trouvent un sujet de surprise dans les événemens les plus communs. Pourquoi cet air alarmé, ai-je dit à la soubrette : avec vos doigts étendus, et vos, ô mademoiselle ! ô monsieur ! La différence aurait-elle été d’une minute, quand vous seriez venue plus doucement ? Le capitaine Tomlinson, monsieur ! Le capitaine diable… que m’importe ? Ne voyez-vous pas dans quel trouble vous avez jeté votre maîtresse ? Cher Monsieur Lovelace, m’a dit ma charmante en tremblant, (vois, Belford, ce que c’est que de paraître nécessaire : je suis le cher Monsieur Lovelace) si… si mon frère, si le capitaine Singleton paroissaient ; je