Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/164

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vous en prie, je vous en conjure, gardez un peu de modération. Mon frère est mon frère, le capitaine Singleton n’est qu’un agent. Ma très-chère vie, en passant mes bras autour d’elle, (lorsqu’on demande une faveur, ai-je pensé en moi-même, ce serait bien le diable, si des libertés si innocentes n’étoient pas permises, au cher Monsieur Lovelace encore !) vous serez témoin de tout ce qui va se passer entre nous. Dorcas, faites entrer la personne qui me demande. Elle m’a supplié de lui laisser le temps de se retirer. On ne devait pas savoir qu’elle fût dans la maison. Charmante fille ! Tu vois, Belford, qu’elle ne pense plus à me quitter. Les fripones ! Si l’on n’employait pas quelquefois la surprise, comment un honnête homme saurait-il jamais ce qui se passe dans leur cœur ? Elle est sortie de la chambre, pour prêter l’oreille. Quoique cet incident n’ait pas produit tout ce que j’en avais attendu, il faut, si tu veux connaître entièrement la circulation de mes desseins, que je te raconte, jusqu’à la moindre circonstance, ce qui s’est passé entre le capitaine Tomlinson et moi. Il est entré en habit de campagne, son fouet à la main : " votre serviteur, monsieur. Je crois parler à M Lovelace ". Mon nom est Lovelace, monsieur. " pardon, monsieur, pour le jour et pour l’habillement. Je suis obligé de sortir à ce moment de la ville, dans l’espérance de revenir ce soir ". Le jour n’a rien que de convenable : l’habillement n’a pas besoin d’apologie. " lorsque j’ai envoyé mon valet, je ne prévoyais pas que je trouverais moi-même le tems de vous voir. Je ne m’étais proposé, ce jour-là, pour obliger mon ami, que de m’assurer de votre demeure, et si je pouvais espérer l’honneur de vous parler, ou à madame votre épouse ". Monsieur, vous devez connaître vos motifs. Vous devez savoir aussi quel temps vos affaires vous laissent. J’attends que vous preniez la peine de vous expliquer. (ma charmante m’a confessé depuis, que le ton sec de mes réponses l’avait fort alarmée. Tu devineras aisément que, si je mêle ici ses émotions, je n’en ai été informé qu’après cette scène). " j’espère, monsieur, que vous ne vous offenserez-pas. Mon dessein n’est pas de vous offenser ". Non, non, monsieur ; expliquez-vous librement. " je n’ai aucune sorte d’intérêt, monsieur, dans l’affaire qui m’amène ici. Je puis vous paroître trop officieux. Mais si je le croyais, je cesserais de m’en mêler, aussi-tôt que je vous aurai fait entendre de quoi il est question ". Et de quoi s’agit-il, monsieur ? " puis-je vous demander sans offense, monsieur, si vous avez du penchant pour vous réconcilier, et si vous êtes disposé à prendre des mesures honorables, de concert avec une personne du nom d’Harlove, comme une préparation qui peut conduire à la réconciliation générale " ? (quelle agitation dans le cœur de ma charmante) ! Vous m’embarrassez, monsieur, (et l’agitation redoubla sans doute ici). Toute la famille en a fort mal usé avec moi. Elle a ménagé encore moins ma réputation, et celle même de mes proches : ce que j’ai bien plus de peine à pardonner. " monsieur,