Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/167

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me semble, capitaine Tomlinson, qu’il n’y a qu’une méchanceté damnable qui pût faire supposer… " monsieur…, Monsieur Lovelace, au nom de dieu, ne vous échauffez pas. Les parens de la jeune dame sont jaloux de l’honneur de leur famille. Ils ont, comme vous, des préventions à vaincre. On peut avoir pris des avantages… sans que la jeune dame soit blâmable. " elle n’est pas capable, monsieur, de donner de tels avantages : et quand elle le serait, qui serait l’homme capable de les prendre ? La connaissez-vous ? " je n’ai jamais eu l’honneur de la voir plus d’une fois. C’était même à l’église ; et je ne crois pas que je pusse la reconnaître. " ne pas la reconnaître, monsieur ! J’aurais cru qu’après avoir eu le bonheur de la voir une fois, il n’y avait pas d’homme au monde qui ne la reconnût entre mille. " je me souviens, monsieur, d’avoir pensé que je n’avais jamais vu de si belle femme. Mais, M Lovelace, vous conviendrez qu’il vaut mieux que ses parens vous aient fait une injustice, que si vous lui en aviez fait une. Me permettez-vous de vous répéter ma question ? " là-dessus Dorcas est entrée avec précipitation. Monsieur, m’a-t-elle dit, un étranger demande à vous parler une minute ; et me tirant à part, c’est ma maîtresse, monsieur. (conçais-tu, Belford, que la chère personne ait pu mettre ce petit mensonge dans la bouche de Dorcas, et cela pour m’en épargner un ?) j’ai répondu à cette fille : faites entrer l’étranger dans une salle, et je suis à lui dans quelques momens. Elle est sortie. Je n’ai pas douté que ma charmante ne voulût me dicter la réponse que je devais faire aux instances du capitaine. Elle n’aurait pas réussi, comme tu crois. Cependant le message de Dorcas a produit quelqu’effet. J’étais sur le point de faire un de mes coups de maître, qui aurait été de prendre avantage des informations du capitaine, pour lui faire avouer à elle-même notre mariage devant lui, comme elle l’avait fait devant les femmes de la maison ; et si j’avais pu l’y faire consentir, il ne m’aurait pas été plus difficile de l’engager, pour la satisfaction de son oncle, à lui écrire une lettre de reconnaissance, qu’elle n’aurait pu se dispenser de signer Clarisse Lovelace . Je n’étais pas fort disposé par conséquent à suivre l’ordre qu’elle m’envoyoit. Mais, dans la crainte aussi de l’offenser sans retour, j’ai jugé à propos de changer l’état de la question, en mettant Tomlinson dans la nécessité de répondre pour lui-même. Mes vues ne regardaient qu’elle ; car, au fond, comme je le lui ai dit ensuite à elle-même, que m’importe d’être jamais réconcilié avec une famille que je dois éternellement mépriser ? Vous croyez donc, capitaine, que j’ai fait une réponse douteuse à la question que vous m’avez proposée. Vous pouvez le penser ; je vous apprends que j’ai le cœur fier, et que, si vous ne me paroissiez pas un galant homme, qui ne vous êtes engagé dans cette affaire que par de généreux motifs, je prendrais fort mal une question qui suppose quelque doute de mon honneur. Mais avant que de vous satisfaire plus directement, je vous ferai moi-même deux ou trois questions, auxquelles je vous prie de répondre. " de tout mon cœur, monsieur. Vous ne me ferez point de questions auxquelles je ne réponde avec candeur. " vous