Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/168

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dites qu’il est revenu à M Harlove que nous avons été ensemble à la comédie, et que nous sommes logés dans la même maison. De grâce, d’où lui viennent ces lumières ? Car je ne vous cacherai pas que, par certaines considérations qui ne me regardent pas moi-même, j’avais souhaité que notre demeure fût ignorée ; et ce secret a été gardé si fidèlement, que Miss Howe même, quoiqu’en commerce avec son amie, ne sait pas où lui adresser directement ses lettres. " je puis vous dire que la personne qui vous a vus à la comédie, est un homme d’affaires de M Jules Harlove. Il observa tous vos mouvemens. Après le spectacle, il suivit votre carrosse jusqu’ici ; et le lendemain, étant monté à cheval, il se hâta d’aller faire part à son maître de ses observations. " quelle bisarrerie dans les évènemens, capitaine Tomlinson ! Mais notre demeure est-elle connue de quelqu’autre Harlove ? " c’est un secret absolu pour tout le reste de la famille, et M Jules Harlove désire qu’il soit gardé. Il souhaite qu’on ne sache pas non plus qu’il entre en traité avec vous, si sa nièce est actuellement mariée ; car il prévait beaucoup d’obstacles à la réconciliation de la part de certaines personnes, quand il leur donnerait même cette assurance. " je n’en doute pas, capitaine. Toute la folie de cette famille vient du brave James Harlove. Quels fous, en effet, de se laisser gouverner par une tête à qui la malice, plutôt que le génie, donne une vivacité mal entendue, qui ne vient de rien moins que de la nature ! Mais y a-t-il long-temps, s’il vous plaît, que M Jules Harlove est dans cette pacifique disposition ? " je vous le dirai volontiers, M Lovelace, et je vous en apprendrai même l’occasion. Je veux m’expliquer d’autant plus nettement là-dessus, et sur-tout ce que vous avez quelqu’intérêt à savoir de moi, qu’après m’avoir entendu, vous serez persuadé que je ne me suis pas chargé mal-à-propos de la commission que j’exécute. " parlez, capitaine. Je vous promets toute mon attention. (ma charmante n’en donnait pas moins sans doute.) " il faut vous apprendre, monsieur, qu’il n’y a pas long-temps que je suis établi dans le voisinage de M Jules Harlove. Deux motifs m’y ont fait transporter ma famille de Northampton-Shire ; celui d’être plus à portée de remplir les devoirs d’une curatelle dont je n’ai pu me dispenser, et qui m’oblige de faire souvent le voyage de Londres, et mon propre intérêt, qui m’a fait prendre le parti d’occuper moi-même une ferme négligée, dont j’ai acquis depuis peu la propriété. Mais, quoique notre connaissance ne soit pas plus ancienne, et qu’elle ait commencé au jeu de boules (l’oncle Jules est un grand joueur de boules, Belford), à l’occasion d’un coup d’importance dont on me remit la décision, deux frères n’ont pas l’un pour l’autre une plus cordiale estime. Vous savez, M Lovelace, que la nature a mis, entre certains esprits, des rapports capables de les lier étroitement dans un quart-d’heure. " cela est vrai, capitaine. " ce fut en conséquence de cette amitié reconnue de part et d’autre, que lundi, 15 du mois, comme je m’en souviens parfaitement, M Harlove vint me demander familièrement à dîner. Dans notre entretien, il m’apprit en confidence toute la malheureuse affaire qui a causé tant de chagrin à toute sa famille. Je n’en étais informé que par le bruit public ; car, malgré