Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/177

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et si le capitaine Tomlinson s’engage au secret pour M Harlove, afin que je ne sois point exposé aux réflexions d’une famille qui m’a fort maltraité. C’est à présent, monsieur, m’a-t-on dit, que vous êtes fort obligeant. Crois-tu, Belford, que mon visage ne soit pas devenu très-rayonnant à son tour ? J’ai avancé ma main, après l’avoir consacrée d’abord par un baiser, pour lui demander la sienne, qu’elle n’a pas fait difficulté de me donner. Je l’ai pressée de mes lèvres. Vous ne savez pas, monsieur (en m’adressant au capitaine, avec un air de transport), quel heureux homme… charmant couple ! A-t-il interrompu, les mains levées d’admiration. Quelle joie, pour mon cher ami ! Ah ! Que n’est-il présent ? Vous ne savez pas, mademoiselle, que vous êtes plus chère que jamais à votre oncle Harlove. Je n’en suis pas moins malheureuse, a dit ma belle, de l’avoir désobligé. Doucement, charmante, ai-je dit en moi-même ; n’allons pas trop loin là-dessus. Le capitaine a promis, encore une fois, de ne pas ménager ses services ; et dans des termes si agréables, que la chère personne a prié le ciel que lui et les siens pussent toujours trouver des amis tels que lui. Elle a compris les siens dans cette prière, parce que le capitaine avait laissé échapper qu’il était père de cinq enfans, par une des meilleures femmes et des meilleures mères du monde, dont l’excellente conduite le rendait aussi heureux avec huit cens livres sterling, qui faisaient tout son revenu, qu’un autre l’était avec deux mille. Sans économie, a répondu mon cher oracle, il n’y avait point de fortune qui pût suffire. Avec cette qualité, le plus médiocre revenu suffisoit. Silence, silence, importune ! Ce n’est qu’à ma conscience, Belford, que ce reproche s’adressoit. Souffrez que je vous demande, m’a dit le capitaine, et moins par aucun sentiment de défiance, que pour établir mes services sur des fondemens certains, si vous êtes résolu de contribuer, avec mon cher ami, au grand ouvrage d’une réconciliation générale ? Je réponds, capitaine, qu’en faisant observer que mon empressement pour cette réconciliation avec une famille dont je n’ai pas sujet de louer beaucoup la générosité, vient uniquement de l’estime que j’ai pour cette adorable personne, non-seulement je contribuerai aux démarches de M Jules Harlove, mais je me présenterai dans cette disposition à M Harlove le père et à Madame Harlove. Je ferai plus : pour mettre en repos M James et Miss Arabelle, je renoncerai à toutes prétentions au bien des trois frères, et à tout autre bien que celui dont ma chère Clarisse a l’obligation à son grand-père. Je me trouve fort bien partagé avec ma fortune présente et mes espérances dans ma propre famille ; assez récompensé, ma chère Clarisse ne m’apportât-elle pas un schelling de dot, par le bonheur d’obtenir une femme dont le mérite est supérieur à tous les biens de la fortune. Ce que je disais, Belford, est aussi vrai que l’évangile. Ainsi, cette scène n’avait-elle pas un fondement réel ?