Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/187

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plaindrait-elle des injures qu’elle a reçues dans un état qui ne subsiste plus ?



M Lovelace, à M Belford.

lundi, 5 de juin. Je perds l’espérance de réussir par la douceur ou par l’amour, avec cette charmante pièce de glace. Tu te souviens que j’ai envoyé une copie du contrat au capitaine Tomlinson, et cela par un exprès. On travaille à la grosse . Je suis retourné à l’officialité, où vraisemblablement j’aurais obtenu les permissions par l’entremise du notaire Malory, ami de l’official, et le mien, si Malory n’avait été obligé de partir subitement pour chesnunt . Pritchard m’a dit de bouche tout ce que ma charmante doit savoir de la lettre que je ne lui ai pas montrée, et je lui ai fait connaître mes intentions sur ce qui lui reste à faire en notre faveur. Cependant, avec de si belles apparences, je ne trouve pas l’heureux moment, et je n’aperçois rien qui me le promette. à la vérité, je l’ai embrassée deux fois avec transport ; et quoique le ressentiment de cette liberté l’ait portée sur le champ à se retirer, elle n’en est pas moins revenue, sur ma simple prière, sans entrer dans aucune explication du motif qui l’avait obligée de me quitter. Quelle mauvaise politique, de s’offenser d’une liberté innocente, que sa situation l’oblige aussi-tôt de pardonner ! Je conviens néanmoins qu’une femme est perdue, lorsqu’elle ne se ressent point des premières hardiesses d’un amant ; car l’amour est un usurpateur. Il ne retourne jamais en arrière ; il aspire toujours à de nouveaux progrès ; il n’est satisfait que par les conquêtes qui éteignent ses désirs ; et quel n’est pas l’avantage d’un amant qui craint peu de rompre la paix, sur une maîtresse qui est intéressee à la conserver ? Je viens de me fortifier, pour la douzième fois, dans une demi-résolution. J’ai mille choses agréables à lui dire. Elle est dans la salle à manger. Tentons quelque chose aujourd’hui. Tout est dans le plus grand désordre. On m’a quitté brusquement, avec les marques d’une vive colère. J’avais commencé par m’asseoir près d’elle. J’avais pris ses deux mains dans les miennes. Ma voix était la douceur même. J’ai parlé avec respect de son père et de sa mère. J’ai nommé son frère d’un ton d’amitié. Je ne me serais pas cru capable, lui ai-je dit, de souhaiter aussi ardemment que je le faisais, notre réconciliation avec sa famille. Une douce rougeur, animée par la reconnaissance, s’est répandue alors sur son beau visage. Sa respiration, mêlée de quelques tendres soupirs, faisait soulever son fichu. J’ai continué : mon impatience était extrême de recevoir des nouvelles du capitaine Tomlinson. Il était impossible que son oncle trouvât quelque chose à redire aux articles. Cependant il se tromperait beaucoup, s’il allait croire qu’en les lui envoyant, je l’eusse rendu maître d’apporter quelque délai à mon heureux jour. Quand, quand ce jour céleste arriverait-il ?