J’étais résolu de retourner encore à l’officialité, et de ne pas revenir sans les permissions. Mon dessein, après la cérémonie, était de nous retirer à Médian. J’ai proposé tel ou tel jour. Elle m’a répondu qu’il serait temps de nommer le jour, lorsqu’on aurait fini tout ce qui appartient au contrat, et que les permissions seraient obtenues. Qu’elle se croirait heureuse, a-t-elle ajouté, si l’obligeant capitaine Tomlinson pouvait engager son oncle à se trouver secrètement à la célébration ! Excellente ouverture, ai-je dit en moi-même ; sur laquelle on peut travailler avec succès ; soit pour ménager des retardemens, soit pour faire ma paix après l’offense ! Point de nouveaux délais, n’ai-je pas laissé de répondre, en lui faisant un tendre reproche du passé. Au nom de dieu, ne multiplions pas les obstacles. Nommez le jour. Que ce soit du moins un jour de la semaine prochaine. Nommez-le, je vous en conjure, afin que je puisse bénir son approche, et compter les heures trop lentes. J’avais le visage appuyé sur son épaule, baisant ses mains tour à tour. Elle s’efforçait à la vérité de les retirer, mais par un sentiment de modestie plutôt que de colère ; et quoiqu’elle tâchât d’éviter aussi mon visage, qui suivait son épaule à mesure qu’elle se dérobait, je croyais m’appercevoir qu’elle étoit lasse, et plus que lasse de me quereller. Ses yeux baissés m’en apprenaient plus que ses lèvres ne pouvaient exprimer. Voici le moment, ai-je dit en moi-même ; c’est à présent qu’il faut essayer si j’obtiendrai le pardon de quelque hardiesse à laquelle je ne me suis pas encore échappé. J’ai laissé alors ses mains en liberté ; et passant un de mes bras autour d’elle, j’ai imprimé un ardent baiser sur ses lèvres. Laissez-moi, monsieur ! C’est tout ce qu’elle m’a dit, en détournant le visage, comme dans la crainte d’être surprise une seconde fois. Encouragé par tant de douceur, je lui ai dit mille choses passionnées ; mais pendant qu’elle paroissait les entendre sans chagrin, je tirais doucement de mon autre main le fichu qui cachait ses trésors ; et tout d’un coup, j’ai pressé de mes lèvres brûlantes, le plus beau sein que la nature ait jamais formé. Une passion fort différente de celle qui le faisait délicieusement soulever, a pris place aussi-tôt dans son cœur et dans ses yeux. Elle s’est arrachée de mes bras avec indignation. J’ai voulu la retenir par la main. laissez-moi,
m’a-t-elle dit, d’un ton qui ne ressemblait point au premier. Je vois qu’il n’y a pas de conditions qui puissent être une loi pour vous. Vil séducteur ! Est-ce là le but de vos flatteuses expressions ? Il n’est pas trop tard, je renoncerai à vous pour jamais. Vous avez un cœur haïssable. Laissez-moi ; je l’exige absolument. Il ne me restait que le parti d’obéir. Elle a pris la fuite en répétant, vil, méprisable flatteur . En vain l’ai-je fait presser, par Dorcas, de m’accorder l’honneur qu’elle m’avait promis de dîner avec elle. J’ai reçu, pour réponse, qu’elle ne voulait pas dîner, et qu’elle ne le pouvait pas. Pourquoi faire ainsi regarder comme sacrée chaque ligne de sa personne ? Si proche, sur-tout, du temps auquel tout doit m’appartenir par contrat ? Elle a sans doute appris, dans ses lectures, l’art des monarques orientaux, qui se dérobent toute l’année aux yeux de leurs sujets, dans la vue d’exciter leurs adorations lorsqu’aux jours solemnels, ils daignent