Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/310

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dit en moi-même, garde tes droits dans mon cœur : si l’amour te chasse encore une fois, tu n’y rentreras jamais.) Lovel. voici ce que j’ai pensé, ce que j’aurais voulu proposer (et j’ai poussé moi-même un soupir) ; que si cette chère personne me refuse le pardon qu’elle m’a promis, elle eût du moins la bonté de suspendre ses ressentimens jusqu’à l’arrivée de Miladi Lawrance ; que cette dame se rendît notre médiatrice ; que la chère personne se mît sous sa protection, et se retirât avec elle dans son château d’Oxfordshire. Une des vues qui amènent ma tante, est de proposer à madame de faire ce petit voyage avec elle. On peut laisser tout le monde, excepté Miladi Lawrance, vous, capitaine, et votre ami M Jules, comme il le désire, dans l’opinion que nous sommes mariés. Lorsque ma chère Clarisse se trouvera dans le sein de ma famille, il n’en pourra rester le moindre doute à son frère ; et notre mariage étant bientôt célébré secrètement, votre rapport, capitaine, deviendra une heureuse vérité. Le Capit. sur mon honneur, madame, (en portant la main sur sa poitrine) l’expédient me charme ; il répond à toutes les difficultés. Elle est retombée dans ses méditations. Son embarras m’a paru extrême. Enfin, levant les yeux au ciel, comme pour implorer ses lumières, je ne sais ce que je dois faire, a-t-elle dit… une jeune fille sans amis… de qui puis-je attendre des conseils ? Je souhaiterais de me retirer un moment, si j’en ai la liberté. Elle est sortie d’un pas tremblant, et nous l’avons entendue monter à sa chambre. Au nom de dieu ! M’a dit aussitôt le coquin de Tomlinson, les mains levées dans un transport d’admiration et de pitié, prenez compassion de cette admirable fille : je ne puis, je ne puis soutenir plus long-temps mon rôle ; elle mérite les adorations de toute la terre. Parle bas, ai-je répondu. Le diable t’emporte ! N’entends-tu pas les femmes qui reviennent ? En effet, elles sont rentrées toutes trois, la curieuse Rawlings à leur tête. Je leur ai dit que ma femme avait demandé quelques momens pour ses réflexions ; que nous étions remplis d’espérance ; et je leur ai représenté une partie de la scène avec des couleurs qui leur ont fait trouver dans le caractère de cette jeune dame un excès de dureté et de délicatesse. La veuve Bévis a témoigné particulièrement, par ses gestes et par quelques mots lâchés au hasard, qu’elle lui croyait un grand fond de bizarrerie et d’affectation ; et j’ai observé dans ses regards que ses idées de censure se changeaient quelquefois en compassion pour moi. L’indulgence, a-t-elle dit, était louable. L’amour l’était aussi. Mais trop était trop. Miss Rawlings, après avoir reproché, d’un air prude à Madame Bévis de parler toujours un peu trop librement, a dit qu’après tout il y avait dans notre histoire des obscurités qu’elle ne pouvait pénétrer ; et là-dessus elle est allée s’asseoir dans un coin de la chambre, comme fâchée d’avoir la vue si courte.



M Lovelace, au même.

ma charmante se faisant attendre un peu long-temps, je me suis figuré qu’elle souhaitait d’être invitée à revenir ; et j’ai prié la veuve Bévis, au nom du capitaine, que ses affaires rappelaient à Londres, de lui aller