Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/351

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à mon gré, Belton, Mowbray, Tourville et moi, nous enseignerons à ces trois femmes un peu plus des allures de cette méchante ville, qu’elles ne paroissent en savoir. Pourquoi m’auraient-elles connu, sans en devenir meilleures et plus sages. Je voudrais bien qu’on s’avisât de disputer aux libertins les lumières de l’expérience ! Deux de ces femmes m’ont causé assez d’embarras, et je suis sûr que la troisième me pardonnera de lui avoir fait passer agréablement une soirée. Tiens, je me sens dans le besoin absolu de quelque partie folle, et celle-ci me promet de l’amusement. Ces femmes me connaissent déjà pour un homme fort libre, et ne m’en aiment pas moins, ou je suis trompé. J’aurai soin qu’elles soient traitées assez librement, aux yeux l’une de l’autre, pour être obligées, en bonne politique, de tenir conseil ensemble. N’est-ce pas leur rendre un très-bon office, puisque c’est former un nouveau nœud d’union et d’amitié entre trois voisines, qui n’ont eu jusqu’à présent, l’une à l’autre, que des obligations communes ? Tu n’as pas besoin qu’on t’apprenne, que les secrets d’amour, et ceux de cette nature sont généralement le plus sûr lien du commerce entre les femmes. Cependant, si la raison revenait heureusement à ma charmante, j’aurais assez de nouvelles affaires pour employer toutes mes facultés, sans qu’il soit besoin de leur chercher d’autres occasions. Combien de fois t’ai-je fait observer qu’elle a servi, sans le savoir, à sauver de mes mains une prodigieuse quantité d’autres filles ? Samedi au soir. Suivant le récit de Dorcas, la chère personne semble un peu revenue. Je me hâterai d’en donner avis au digne capitaine Tomlinson, afin qu’il en informe aussi-tôt son oncle Jules. C’est de ce côté-là que je veux tirer mon principal secours pour calmer sa furie, ou du moins pour en rabattre la première violence.



M Lovelace, au même.

dimanche, 18 de juin, à six heures après midi. J’étais sorti ce matin de fort bonne heure, et ne faisant que rentrer à ce moment, je viens d’apprendre que dans mon absence ma belle a tenté de m’échapper par la fuite. Elle est descendue, avec un petit paquet lié dans un mouchoir, sa coëffe sur la tête. Elle était déjà dans le passage qui conduit à la porte, lorsque Madame Sinclair l’a très-heureusement aperçue. Je vous prie, madame, lui a-t-elle dit en se plaçant entr’elle et la porte, ayez la bonté de m’apprendre où vous allez. Elle a répondu, d’un ton assez ferme, que personne n’avait droit de lui faire cette question : pardonnez-moi, madame, a repris l’autre, je l’ai reçu de votre mari ; et mettant les deux mains sur ses côtes, avec l’air qui nous a si bien réussi, elle lui a conseillé de remonter. La chère personne aurait voulu répliquer ; mais elle n’en a pas eu la force ; et, fondant en larmes, elle est remontée à sa chambre. Dorcas a reçu les reproches qu’elle mérite, pour l’avoir perdue de vue. On peut conclure de cet incident, que son charmant esprit commence à revenir, comme Dorcas me le faisait espérer hier au soir. Cette fille dit