Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


M Lovelace à M Belford.

mardi, 2 mai. Au moment que je cachetais ma lettre, il en est arrivé une à ma charmante, sous mon couvert, et par la voie de Milord M. De qui t’imagines-tu qu’elle soit ? De Miss Howe : et que contient-elle ? C’est ce que je ne puis savoir, avant qu’il plaise à cette chère personne de me le communiquer. Mais, par l’effet qu’elle a produit sur elle, je juge que c’est une lettre fort cruelle. Deux ruisseaux de larmes coulaient de ses yeux en la lisant, et sa couleur a changé plusieurs fois. Je crois que ses persécutions n’auront pas de fin. Quelle est la cruauté de son sort ! S’est écrié la belle affligée. C’est à présent qu’il faut renoncer à l’unique consolation de sa vie ! Elle entend sans doute la correspondance de Miss Howe. Mais, pourquoi cette grande douleur ? C’est une défense qui avait été déjà signifiée à son amie, et qui ne les arrêtait pas toutes deux, quoiqu’impeccables, s’il vous plaît. Pouvaient-elles s’attendre qu’une mère ne soutiendrait pas son autorité ; et lorsque ses ordres ont si peu de pouvoir sur une fille perverse, n’était-il pas raisonnable de supposer qu’elle essayerait s’ils auront plus d’effet sur l’amie de sa fille ? Je suis persuadé qu’à présent ils seront exécutés à la rigueur ; car je ne doute pas que ma charmante ne s’en fasse un point de conscience. Je hais la cruauté, sur-tout dans les femmes ; et je serais plus touché de celle de Madame Howe, si je n’en avais pas eu, dans ma charmante, un exemple bien plus fort à l’égard de Miss Partington. Puisqu’elle était si effrayée pour elle-même, comment pouvait-elle savoir si Dorcas n’introduirait personne auprès de cette jeune innocente, qu’elle devait supposer bien moins sur ses gardes ? Mais, après tout, je ne suis pas trop fâché de cette défense, de quelque source qu’elle vienne ; parce qu’il me paraît certain que j’ai l’obligation à Miss Howe de la vigilance excessive de ma belle, et de la mauvaise opinion qu’elle a de moi. Elle n’aura personne, à présent, dont elle puisse comparer les remarques avec les siennes ; qui se plaise à l’alarmer ; et je serai dispensé d’approfondir, par de mauvaises voies, une correspondance qui m’a toujours causé de l’inquiétude. N’admires-tu pas comment tout conspire en ma faveur ? Pourquoi cette charmante Clarisse me met-elle dans la nécessité d’avoir recours à des inventions qui augmentent mon embarras, et qui peuvent me rendre plus coupable dans l’idée de certaines gens ? Ou plutôt, pourquoi, voudrais-je lui demander, entreprend-elle de résister à son étoile ?



M Belford à M Lovelace.

à Edgware, mardi au soir, 2 mai. Sans attendre l’explication que vous nous avez fait espérer, sur le jugement que votre dame porte de nous, je me hâte de vous assurer que nous n’avons qu’une voix dans celle que nous portons d’elle ; c’est-à-dire que, pour les qualités de l’esprit, nous ne croyons point qu’il y ait de