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Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/388

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Mme Howe, à Miss Clarisse Harlove.

vendredi, 30 de juin. Miss, vous serez surprise de recevoir une lettre de moi. Je suis extrêmement fâchée de la triste situation où vous êtes. Une jeune personne qui donnait de si belles espérances ! Mais tel est le fruit de la désobéissance pour les parens. Pour moi, quelque penchant que j’aie à vous plaindre, je plains beaucoup plus votre père et votre mère. Voilà donc ce qui leur revient de l’éducation qu’il vous ont donnée, et d’avoir mis leur bonheur à vous voir croître sous leurs yeux ! Mais je vous prie, miss, de ne pas faire tomber ma fille dans la même faute, c’est-à-dire, dans celle de la désobéissance. Je lui ai défendu plus d’une fois toute correspondance avec une personne qui est devenue capable d’une si téméraire démarche. Cette liaison ne peut plus lui faire honneur. Vous n’ignorez pas quels ont été mes ordres ; et votre commerce ne laisse pas de continuer, malgré le chagrin que j’en ressens. Ma fille m’a souvent marqué de l’humeur à cette occasion. les mauvais conseils, miss… vous n’ignorez pas le reste du proverbe. Dans le monde où nous sommes, les gens ne peuvent être malheureux seuls. Il faut qu’ils enveloppent dans leurs disgrâces leurs amis et leurs connaissances, qui ont eu la discrétion de se garantir des mêmes erreurs. C’est ainsi que ma pauvre fille est continuellement dans la tristesse et dans les larmes. Je la vois insensible à son propre bonheur, parce que vous êtes dans l’infortune. Si ceux qui ont cherché leur ruine portaient seuls la peine de leur obstination, la justice, qui ne serait pas blessée, pourrait laisser place encore à la pitié. Mais, miss, miss, de quoi n’avez-vous pas à répondre, vous qui avez fait saigner autant de cœurs que vous aviez su vous faire d’amis ? Tout le sexe est blessé par votre chûte. Quel autre modèle que Miss Clarisse Harlove, les pères et les mères proposaient-ils à leurs filles ? Ma lettre devient longue, quoique je n’ai pensé qu’à vous défendre, en peu de mots, d’écrire à ma Nancy. J’y suis obligée par deux motifs ; votre fausse démarche, et l’amertume dont vos lettres remplissent le cœur de ma fille, qui n’en est pas plus capable de remédier au mal. Si vous l’aimez, cessez donc de lui écrire. Votre dernière est tombée entre mes mains, dans son absence ; et je me garderai bien de la lui faire voir. Ce ne serait pas le moyen de la consoler, ni de diminuer le chagrin que j’ai du sien, moi, dont elle a fait toutes les délices… comme vous faisiez autrefois celles de votre malheureuse famille. Mais il me semble qu’à présent vous ouvrez assez les yeux sur vos fautes. C’est le sort de toutes les filles inconsidérées, lorsqu’il est trop tard ; et quelle est alors leur humiliation, après un excès de présomption et d’entêtement ? Peut-être vais-je trop loin. Je ne voulais qu’en dire assez pour faire connaître que je me déclare contre votre témérité, comme il convient à toute mère alarmée pour sa fille, et particulièrement à celle qui ne laisse pas de se dire, en vous plaignant, et faisant des vœux pour vous, votre très-humble, etc. Annabelle Howe. p s. j’envoie cette lettre par un exprès, mais avec ordre de la mettre au peny post , pour ne pas vous donner l’occasion de me répondre.



Miss Clarisse Harlove, à Mme Howe.

samedi, premier juillet. Permettez, madame, que je vous importune par quelques lignes ; ne fût-ce que pour vous remercier de vos reproches, quoiqu’ils aient tiré de nouvelles gouttes de sang d’un cœur dont les plaies ne se fermeront jamais. Mon histoire est terrible. Elle a des circonstances qui exciteraient la pitié, si elles étoient connues, et qui pourraient faire porter de moi un jugement plus favorable. Mais c’est mon devoir, et ce le sera toujours de