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Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/466

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d’une liaison personnelle avec une personne incomparable. C’est la plus ardente prière de vos très-humbles, etc.

M

Sara Sadleir.

Elis Lawrance.

Charl Montaigu.

Marthe Montaigu.

p s. vous nous causeriez un mortel chagrin, si vous refusiez nos justes offres. Chère miss, ne nous punissez pas des crimes d’autrui. Nous faisons partir cette lettre par un exprès, qui nous rapportera sans doute une réponse aussi favorable que nous le désirons. M Lovelace se sert de la même occasion pour écrire : mais nous ne savons pas à qui, comme il ignore lui-même à qui nous écrivons ; car nous nous fuyons de part et d’autre, et nous habitons les deux extrémités du château.



M Lovelace à M Belford.

samedi, 5 d’août.

Je suis si désespéré de la lettre de Miss Harlove à ma cousine Montaigu, que je suis incapable d’attention pour tout ce que tu m’écris. Qu’il lui convient mal de crier merci pour elle-même, lorsqu’elle en marque si peu pour autrui ! C’est une véritable Harlove. Crois-moi, Belford, c’est une véritable fille des Harlove. Cependant elle possède tant de charmes et de perfections, que je me sens forcé de l’adorer, et que mes adorations (insensé que je suis !) croissent par sa haine et ses dédains. Tu reviens sans cesse, et sans doute avec aussi peu de vérité que de bon sens, à tes maudites idées de langueur, de foiblesse et de mort ; et lorsque tu saisis une fois quelqu’un de ces mots, tu prends un détestable plaisir à le répéter vingt fois dans une phrase. Que je sois damné, si je ne crois que tu l’empoisonnerais plutôt de tes propres mains, que de souffrir qu’elle en revienne, et qu’elle te dérobe l’honneur d’avoir deviné juste ! Mais réforme, je te prie, cet insupportable style. Tu ne seras qu’un mauvais prophète, elle vivra pour m’enterrer ; j’en suis plus sûr que toi ; car le diable m’emporte, si je puis manger, boire, dormir, et, ce qui est mille fois pis, si je puis aimer au monde d’autre femme qu’elle ! Il n’y en a pas une à présent, sur laquelle je puisse jeter les yeux. Au contraire, je détourne la vue de toutes celles que je rencontre ; à moins que le hasard ne m’y fasse remarquer un air, un trait, qui tienne un peu d’elle. Je ne puis me défendre alors de regarder une seconde fois : mais le second regard confirme tous mes dégoûts, parce qu’il n’y a personne, en effet, qui lui ressemble.

Il faut, Belford, que cette divine personne soit possédée de quelque mauvais génie. Plus je considère son extravagance et son obstination, moins je suis capable de patience. A-t-elle donc un meilleur moyen pour se faire justice à elle-même, à sa famille, à tous ses amis, que celui de m’épouser ? N’eût-elle qu’un jour à vivre, elle doit mourir ma femme. Si ses ressentimens chrétiens ne lui permettent pas d’y consentir pour elle-même, ne le doit-elle pas pour sa famille et pour son sexe, dont elle prétend quelquefois que l’honneur la touche si fort ? Et s’il n’y a point d’intérêt assez cher pour émouvoir en ma faveur ce caractère d’Harlove, quel droit a-t-elle à cette pitié que tu ne cesses pas de demander si pitoyablement pour elle ?

à l’égard de la mauvaise intelligence que sa lettre répand entre ma stupide famille et moi (car je t’apprends que nous sommes prêts ici à nous entre-déchirer), c’est ce qui me touche le moins. Tous mes honnêtes parens ont la folie de me maudire, moi qui peux leur rendre dix malédictions pour une, et leur tenir tête, s’ils le veulent, du matin au soir. J’occupe une moitié du château, et, grâces au ciel, c’est la meilleure ; car les avantages dont les grands jouissent le moins sont ceux qui leur coûtent le plus ; la grandeur et l’usage sont des choses différentes. Leur demeure est la partie la plus simple ; la mienne est l’appartement de représentation. J’y règne, et je continuerai d’y régner aussi long-temps qu’il me plaira ; tandis que les deux tantes poussives, le vieux podagre de frère, et les deux précieuses nièces, sont resserrés dans l’autre partie, d’où la crainte de me rencontrer ne leur permet pas de sortir. Mais le comique de l’aventure, c’est qu’ils m’ont défendu l’entrée de leurs appartemens. Je leur ai fait la même défense pour le mien. Ainsi je les tiens