Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/479

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Monsieur, monsieur, il n’est pas aisé de s’y méprendre. Le monde n’a pas deux hommes tels que vous.

Fort bien, dame Smith. Mais est-ce aussi bons, est-ce aussi mauvais, que vous voulez dire ? (j’espérais que, pour le moins, elle répondrait d’aussi bonne mine).

C’est ce que je vous laisse à juger, monsieur. (mon appel, ai-je pensé, ne fera pas fortune ici).

Comment donc, ami Smith, ta femme est un bel esprit ? Tu ne t’en étais pas défié jusqu’aujourd’hui. Mais où est Madame Lovick ? M Belford en parle comme d’une très-bonne femme ? Est-elle ici ? Seroit-elle aussi à la campagne, avec Miss Harlove ?

Elle rentrera bientôt, monsieur. Elle n’est pas partie avec madame.

J’entends. Mais enfin, chère dame Smith, où Miss Harlove est-elle allée ? Quand croyez-vous qu’elle revienne ?

Je l’ignore, monsieur.

On ne me paye point de fables, dame Smith, on ne me paye point de fables (en lui passant la main sous le menton, sans m’embarrasser d’une laide grimace que je voyais faire au mari). Je suis sûr que vous ne l’ignorez pas. Mais vous avez un troisième étage ; voyons. Qui loge ici ? Cette chambre me paraît fermée (en frappant à la porte). Y a-t-il quelqu’un ? Ai-je crié.

C’est l’appartement de Madame Lovick, qui n’y laisse jamais la clé.

Madame Lovick (en recommençant à frapper), je vous crois chez vous. De grâce, ouvrez la porte.

Jean et Joseph parlaient ensemble, et semblaient gronder tout bas. Qu’est-ce donc, mes honnêtes amis ? Il n’est pas civil de faire une conversation à part. Joseph, que te disait Jean ?

Jean ! A répété dédaigneusement la bonne femme.

Pardon, Madame Smith. Mais vous voyez la force de l’exemple. Si vous aviez marqué plus de considération pour lui, ne doutez pas que je ne vous eusse imitée. Recevez de moi cet avis : une femme qui manque de respect pour son mari, apprend aux étrangers à le traiter avec mépris ; par exemple, Monsieur Jean, pourquoi n’as-tu pas encore ôté ton chapeau devant moi ? Oh ! Tu l’aurais fait, j’en suis sûr. Mais tu ne l’as pas sur ta tête, et je suis persuadé que jamais tu ne le portes devant ta femme. Dis, n’est-il pas vrai ? Trève de railleries, monsieur, m’a répondu Jean. On s’en passerait fort bien. Je souhaiterais que tous les ménages de Londres fussent aussi heureux que le nôtre.

Je le souhaiterais comme toi : mais je veux être damné, si tu as des enfans. Pourquoi non, monsieur ?

En as-tu ? Réponds-moi. En as-tu, ou n’en as-tu pas ?

Peut-être, monsieur. Mais à quoi revient cette question ?

à quoi elle revient ? Je vais te l’apprendre. L’homme qui n’a point d’enfans de sa femme doit s’attendre, dans ton état, à se voir traiter de Jean. Si tu avais un ou deux enfans, on t’appellerait M Smith, avec une révérence, ou du moins avec un sourire à chaque mot.

Il me semble, monsieur, a répliqué la dame, que vous avez l’humeur tout-à-fait plaisante. Je m’imagine que mon mari et moi, si nous avions autant de reproches à nous faire qu’une personne que je n’ose pas nommer, nous serions bien éloignés d’être si gais. Tant pis, Madame Smith, pour ceux qui seraient obligés de vivre