Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/480

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avec vous. Mais je suis moins gai que vous ne pensez. J’ai le coeur accablé de tristesse. Hélas ! Où trouverai-je ma chère Miss Harlove ? Ma chère, mon adorable miss (en criant au bas des degrés du troisieme étage), si vous êtes là-haut, répondez, au nom de dieu ! Je vole pour vous y joindre.

Monsieur, m’a dit le bon Smith, vous ferez beaucoup mieux de descendre. Vous ne trouveriez plus haut que nos atteliers et nos magasins. Monterai-je, Madame Smith ? Continuerai-je de chercher Miss Harlove ?

Vous en êtes le maître, monsieur.

Je ne monterai donc pas ; car si Miss Harlove y étoit, vous seriez moins obligeante. Au reste, je suis confus de vous avoir causé tant de peine. Vous êtes les gens les plus polis du monde. Joseph ! (en lui donnant brusquement sur l’épaule un grand coup, qui lui a fait faire un saut d’étonnement) n’as-tu jamais parié, mon ami, à qui ferait la plus vilaine grimace ? Je serai de moitié avec toi quand tu voudras. Le coquin ne paroissait pas mécontent de moi ; et, me regardant avec de grands yeux, sa bouche, qui s’étendait d’une oreille à l’autre, au milieu d’une face fort large, laissait voir de grandes et vilaines dents. Je ne veux pas nuire à ton travail. Que gagnes-tu par jour ?

Je gagne un demi-écu (avec un air de pétulance, et comme fâché d’avoir marqué de l’effroi).

Eh bien ! Voilà une journée de tes gages, et tu n’as pas besoin de me suivre plus long-temps. Allons, Jean, ou M Smith ; descendons ensemble, et vous ne ferez plus difficulté de m’apprendre où Miss Harlove est allée, et quand vous attendez son retour.

Je suis descendu à leur tête, suivi de Jean, et de Joseph, quoique j’eusse congédié celui-ci. La dame ne m’a pas quitté non plus ; par politesse, apparemment, pour un étranger. En repassant au premier, je suis entré dans une des chambres que j’avais déjà vues. Je pense, leur ai-je dit, à me loger dans cette maison, car je n’ai rencontré de ma vie des personnes plus obligeantes. Qu’avez-vous à louer ici ?

Rien, monsieur.

J’en serais fort affligé. Qui occupe donc cette chambre ?

Moi, monsieur, a répondu le mari d’un ton assez rustre.

Toi-même, ami Jean ? Hé bien ! Je suis résolu de te l’ ôter. Cette pièce avec une autre, et le moindre grenier pour mon laquais, c’est tout ce que je désire. Je t’en donnerai le prix ordinaire, et j’y joindrai une demi-guinée par jour.

Pour dix guinées par jour, je ne voudrais pas, monsieur…

arrête, Jean, ou M Smith. Pense deux fois avant que de parler. Je t’apprends qu’un refus est un affront pour moi.

Monsieur, vous plaît-il de descendre ? A repris la dame, en nous interrompant. Réellement, monsieur, vous prenez…

de grandes libertés, m’allez-vous dire, Madame Smith ?

Mais, monsieur, j’aurais dit quelque chose d’approchant.

Je suis donc fort aise de vous avoir prévenue ; car ces termes conviendraient moins dans votre bouche que dans la mienne. Au fond, je crois devoir prendre un logement ici, jusqu’au retour de Miss Harlove : cependant, comme on peut avoir besoin de vous dans votre boutique, descendons, et nous y traiterons cette affaire à notre aise.

J’ai repris un chemin qui m’était déjà familier. Lorsque je suis arrivé