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Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/497

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fait sans fruit. Sa dernière conduite dans cette maison, reprit-elle, et sa cruelle obstination à me poursuivre, donnent peu d’espérance que les objets graves et sérieux fassent jamais d’impression sur lui. Notre entretien continua sur les derniers momens de notre ami ; et j’admirai son esprit dans le tour de ses réflexions. Pendant qu’un sujet si touchant lui faisait oublier ses propres maux, un homme à cheval lui apporta une lettre de Miss Howe. Elle se retira dans son appartement pour la lire. Le médecin, qu’on avait fait avertir de son retour, arriva dans l’intervalle, et confirma mes craintes sur le danger de sa situation. Il avait appris de nouveaux exemples de la rigueur de sa famille et de vos persécutions. Pour tous les trésors du monde, me dit-il, je ne voudrais pas être son père, ni l’homme qui l’a jetée dans cet affreux état. Le poison de la douleur a pris l’ascendant. Elle en mourra. Je ne vois aucune ressource. Mais je suis effrayé pour ceux qui ont à se reprocher sa mort.

Lorsqu’elle eut appris qu’il demandait à la voir, elle nous fit prier tous deux de monter. Elle nous reçut avec toutes les grâces qu’aucun changement ne lui fera jamais perdre ; et se hâtant de satisfaire à diverses questions sur l’état de sa santé, elle passa aux remerciemens les plus vifs et les plus tendres, pour des soins et des témoignages d’affection que sa fortune présente ne la mettait point en état de reconnaître. Elle nous tint un discours si touchant, que, ne trouvant pas d’expressions pour y répondre, nous fûmes réduits, le médecin et moi, à nous regarder mutuellement, dans un transport de surprise et d’admiration. Ensuite, sans nous laisser le temps de revenir à nous-mêmes : comme il me reste, dit-elle au médecin, quelques préparations à faire, et que je ne voudrais pas entreprendre ce que le temps ne me permettrait pas d’achever, je vous demande en grâce de vous expliquer nettement sur ma situation. Vous connaissez mon régime, et vous pouvez compter que je ne ferai rien pour abréger ma vie : dans quel temps me donnez-vous l’espérance d’être délivrée de toutes mes peines ?

Le médecin parut hésiter. Il me regardait d’un œil incertain. Ne craignez pas de me répondre, lui dit-elle, avec autant de fermeté que de douceur. Dites-moi combien vous jugez qu’il me reste de temps à vivre ? Et, croyez-moi, monsieur, plus il sera court, plus votre réponse paraîtra consolante.

étonnante question ! Lui répondit-il. Quel mêlange de plaisir et d’horreur faites-vous éprouver à ceux qui ont le bonheur de conserver avec vous, et de voir tant de charmes dont la nature vous a partagée ! Ce que vous avez souffert depuis quelques jours, a fait un tort extrême à votre santé ; et si vous étiez exposée à de nouvelles peines de cette nature, je ne répondrais pas que vous fussiez capable de les soutenir… il n’acheva point.

Combien de temps, monsieur, combien ? Je me crois menacée encore de quelques petits chagrins. Je l’appréhende du moins ; mais il n’y en a qu’un pour lequel je me défie de mes forces. Combien donc, monsieur ?

Il demeura sans répondre.

Quinze jours, monsieur ?

Il continua de se taire.

Dix jours ? Une semaine ? Dites, monsieur ; combien ? (avec un charmant sourire, quoique d’un air fort pressant.)

puisqu’il faut m’expliquer, madame, si quelque heureux événement ne vous rend point la vie, je crains… je crains… vous craignez, monsieur ? Ne craignez point. Combien ?

Je