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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/215

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du Chev. Grandisson.

nom de Dieu, & de la Sainteté de sa profession. Je m’adressai ensuite aux deux jeunes Filles, dont j’implorai la pitié. Je leur représentai ce qu’elles devoient à leur sexe. Je leur demandai le secours qu’elles souhaiteroient pour elles-mêmes, si elles étoient traitées avec la même barbarie. Les expressions de ma douleur furent si touchantes, que je leur vis répandre des larmes, & la Mere même commençoit à paroître émue. Cependant l’impitoyable Hargrave ordonnoit toujours de poursuivre, & je n’avois plus d’autre ressource que d’interrompre le Ministre, chaque fois qu’il vouloit recommencer. J’admire la force que j’eus de me soutenir sur mes jambes. Ma tête étoit tout en feu. Ma main, que j’avois toujours entre celles du Cruel, & qu’il serroit avec violence, étoit si engourdie que je ne la sentois plus. Je levois l’autre vers le Ciel, en le prenant à témoin d’une barbarie sans exemple, en lui demandant la mort, & répétant que je la préférois mille fois à l’horreur de ma situation. L’Assistant qui étoit demeuré jusqu’alors en silence, proposa de me fermer la bouche, pour arrêter mes plaintes ; & je ne sais ce que cet affreux conseil auroit produit. Mais la vieille Dame, rejettant ce parti avec assez de fermeté, pria Sir Hargrave de me laisser quelques momens avec elle & ses Dilles. Oui, oui, dit le Ministre, il faut laisser les Dames ensemble.