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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/216

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Histoire

Un peu de considération ramene quelquefois les esprits.

Sir Hargrave quitta ma main ; & Madame Auberry la prit aussi-tôt, pour me conduire dans un cabinet voisin. Ses deux Filles nous suivirent. Là, je me crus prête, d’abord, à tomber sans connoissance. Les sels, la corne de cerf, furent encore employés. Lorsque les trois femmes me crurent en état de les entendre, elles me représenterent les richesses de Sir Hargrave. Je leur répondis que je les méprisois. Elles firent valoir l’honnêteté de ses sentimens, & moi, mon invincible aversion. Elles vanterent les agrémens de sa figure ; je leur dis qu’il étoit à mes yeux le plus difforme & le plus odieux de tous les hommes. Enfin elles me parlerent du danger où je me trouvois exposée, & de la difficulté qu’elles auroient à me garantir d’un traitement beaucoup plus fâcheux. De la difficulté ! m’écriai-je. Quoi, Mesdames ? Cette Maison n’est-elle pas la vôtre ? Êtes-vous sans voisins ? Ne pouvez-vous crier au secours ? Je m’engage à vous faire compter mille Guinées avant la fin de la semaine. Mille Guinées, mes chères Dames ! Je vous les promets sur mon honneur, si vous me sauvez d’une violence à laquelle d’honnêtes femmes ne peuvent jamais prêter la main.

Mes Persécuteurs, qui n’étoient pas éloignés, entendirent sans doute une partie de ce discours. Sir Hargrave parut au même