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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/218

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Histoire

heureuse… Mais si vous vous obstinez à me refuser une main que je vous présente… Il voulut porter la mienne à sa bouche ; je la retirai avec dédain. Il s’efforça de me saisir l’autre. Je les mis toutes deux derriere moi. Il allongea promptement le cou, pour me dérober un baiser ; mais je retrouvai aussi-tôt le secours de mes deux mains, pour repousser son odieuse tête. Charmante Créature ! s’écria-t-il d’un air & d’un ton passionné ; & tout de suite, me traitant de cruelle, d’orgueilleuse & d’ingrate, il jura par le Ciel que si je n’acceptois pas sur le champ sa main, il étoit résolu de m’humilier.

Sortez, dit-il aux trois femmes ; de grace sortez. Elle sera Mylady Pollexfen, ou tout ce qu’il lui plaît. Laissez-moi seul avec elle.

Le méchant homme prit la Mere & les deux Filles pour les conduire à la porte du Cabinet. Je jettai les bras autour de celle qui étoit la plus proche de moi : vous ne me quitterez point, m’écriai-je avec transport ! Cette Maison n’est-elle pas à vous ? Délivrez-moi de ses cruelles mains, & je jure de partager ma fortune avec votre famille ! Il eut la force de me faire quitter celle que je tenois embrassée. Elles sortirent toutes trois, forcées en apparence par la violence avec laquelle il les pressoit, mais d’intelligence peut-être avec lui. Dans mon trouble, je ne laissai point de saisir encore la derniere. Je la pressai, je la conjurai