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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/225

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du Chev. Grandisson.

comme s’il eût oublié ce qu’il vouloit dire, il fit deux ou trois tours dans la chambre. Être mourante pendant une demie heure entiere, se disoit-il à lui-même, & me tenir tout d’un coup un langage si piquant !

Je gardois le plus profond silence. Il reprit : malédiction sur ma folie, pour avoir renvoyé le Ministre ! Je croyois connoître mieux les ruses des femmes. Cependant comptez, Mademoiselle, que tous vos artifices vous seront inutiles. Ce qui ne s’est pas fait ici s’achevera dans un autre lieu. J’en jure par le grand Dieu du Ciel !

Je me mis à pleurer, sans avoir la force de remuer la langue. Recommencez à perdre connoissance, me dit le Barbare ; un nouvel évanouissement vous est-il si difficile ? L’air de son visage répondoit à ses indignes reproches. Puissances du Ciel ! m’écriai-je, accordez-moi votre protection ! Il ne m’adressa plus que ces trois mots : Votre sort est décidé, Mademoiselle : & sur le champ il appela une Servante, qui entra aussi-tôt avec un capuchon à la main. Elle lui dit à l’oreille quelques mots dont il parut satisfait. Lorsqu’elle fut sortie, il s’approcha de moi avec le capuchon. Je trésaillis, je tremblai ; & me sentant prête à tomber, je saisis le dos d’une chaise, pour me soutenir. Votre sort est décidé, répéta-t-il d’un ton ferme. Mettez cette coëffe, mettez-la ; & les évanouissemens viendront quand vous les jugerez nécessaires.