Les agitations de mon cœur m’ont obligée de quitter la plume. Voyez les traces de mes larmes sur mon papier. Il est trop tard pour faire partir aujourd’hui ma Lettre ; & quand il en seroit tems encore, il y auroit de la barbarie à vous faire partager les tourmens d’une si cruelle incertitude.
Il m’est impossible d’écrire avec un peu d’attention. Je n’ai pas fermé les yeux de toute la nuit, & je les crois enflés à force de pleurer. M. Reves s’est déterminé à ne pas faire un pas, avant le retour de Sir Charles ou de Miss Grandisson ; c’est-à-dire, sans avoir consulté l’un ou l’autre. Cependant il a pris des mesures certaines, pour être informé de tous les mouvemens de cet odieux Hargrave. On nous assure que dans l’aventure de ma délivrance, il a perdu trois de ses plus belles dents. Dieu ! ma chere, quelle mortification pour un homme si vain de sa figure ! Jugez de ses emportemens.
M. Reves sera informé aussi du retour de Sir Charles, au moment de son arrivée. On lui a dit à l’oreille que Sir Hargrave est enfermé sans cesse avec un Maître d’armes. Ô ma chere ! cette circonstance me met hors de moi.
Je me suis soumise au jugement de M. Reves, qui, regardant ce Bagenhall