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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/51

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que sa femme étoit une veuve très-riche. Avant qu’elle l’eût rendu important à ses propres yeux en devenant amoureuse de lui, c’étoit un jeune homme assez modeste, qui n’avoit pas découvert en lui-même plus de mérite qu’on ne lui en reconnoissoit ; & cette raison a fait pardonner à sa femme le goût qu’elle a pris pour lui. Mais depuis son mariage, il est devenu parleur, audacieux, décisif : il a mauvaise opinion de tout notre sexe ; & ce qu’il y a de pis, il n’en a pas une meilleure de sa femme, pour la préférence qu’elle lui a donnée.

Il a marqué beaucoup d’attention pour moi, mais de maniere à faire penser que je devois me croire fort honorée de l’approbation d’un si bon juge.

Monsieur Barnel est un jeune homme, qui sera toujours jeune, ou je suis trompée. Je ne l’ai pris d’abord que pour un fat. Il a commencé avec affectation par quelques traits assez judicieux, quoique des plus communs. Une heureuse mémoire, qui rend capable de se faire honneur de l’esprit d’autrui, est une sorte de mérite. Mais lorsqu’il a voulu marcher seul, il lui est échappé bien des choses qui ne peuvent sortir de la bouche d’un homme sensé. Ainsi je prononce hardiment sur lui. Cependant, à juger par les seuls dehors, il peut passer pour un de nos jeunes gens du bel air. Il se met fort bien, & s’il a quelque goût, c’est pour la parure : mais il ne l’ignore point,