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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/94

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Histoire

Nous sommes demeurés en silence pendant trois ou quatre minutes. Il m’a semblé que je ne devois pas commencer. M. Fouler ne savoit comment le faire. Il a pris la peine d’avancer sa chaise près de la mienne : ensuite il s’est un peu reculé. Il s’est rapproché encore ; il a tiré ses manchettes, & toussé deux ou trois fois. Enfin sa bouche s’est ouverte, pour me dire que je ne pouvois manquer de m’appercevoir de sa confusion… de son trouble… que sa confusion étoit extrême, & que tout venoit de son respect, de son profond respect pour moi. Il a toussé encore deux fois, & sa bouche s’est fermée.

Je n’ai pu prendre plaisir à jouir de l’embarras d’un homme si modeste. Chaque trait de son visage étoit en travail. Ses mains & ses genoux trembloient. Ô ma chere ! Quel est le pouvoir de l’amour, si des agitations si violentes sont l’effet naturel de cette passion.

Monsieur, ai-je répondu… Sir Roland vient de m’apprendre la bonne opinion que vous avez de moi. Je vous en suis obligée. J’ai dit à Sir Roland… Ah ! Mademoiselle, a-t-il interrompu d’un air plus ferme, ne répétez pas ce que vous avez dit à mon Oncle. Il ne m’en a que trop informé. Je me reconnois indigne de vous, mais je n’en suis pas plus libre de renoncer à votre faveur. Celui qui sait où son bonheur consiste, est-il maître de ne le pas chercher à toute sorte de prix ? Ce que je puis dire,