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Histoire

Je regrettois trop de l’avoir perdue. Quel est l’homme au monde, qui considérant en général la vie gaie & voluptueuse de Sir Thomas Grandisson, quelque jeune, quelqu’ami qu’il soit de la joie & de la volupté, puisse se proposer d’être plus heureux que Sir Thomas ne s’imaginoit l’être ? Quelle est la femme, quelque goût qu’elle ait pour le plaisir & la dissipation, qui, prenant aussi toute la vie sage, utile, paisible & bienfaisante de Mylady Grandisson, ne voie pas, dans cette esquisse imparfaite, tout ce qu’elle souhaiteroit d’être elle-même ; & le vain bonheur de l’un, & le solide contentement qui ne peut manquer à l’autre, aussi bien dans cette vie que dans celle qui doit la suivre ?

Chere Miss Grandisson, je donnerois bien plus de force & d’étendue à cette idée, si vos instances étoient moins pressantes. Je descends, je descends.

On m’a forcée, chere Lucie, de lire publiquement une partie de ce que je venois d’écrire. Nous sommes sûres, m’a dit Miss Grandisson, que votre Lettre nous regarde, & nous jugerons qu’elle n’est point à notre avantage si vous refusez de nous en lire quelque chose. Ensuite, du ton arbitraire qu’elle prend avec tant de grace, elle n’a pas exigé moins absolument que je lui fisse à mon tour l’histoire de ma famille, en promettant à cette condition de continuer celle de la sienne.