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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 2, 1763.djvu/238

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Histoire

vérité, & n’eut pas de peine à tirer de son Éleve, l’aveu d’un artifice, par lequel il faisoit gloire d’avoir trompé son Pere. Un juste scrupule obligea le Docteur d’écrire aussi-tôt à Londres, pour épargner au Pere une dépense contraire à ses véritables vues. Lorimer, furieux de ce qu’il nommoit une trahison, chercha l’occasion de se venger. Il étoit lié avec une Courtisanne, fameuse par la ruine de vingt jeunes Voyageurs qu’elle avoit engagés dans ses piéges, & déja irritée contre le Docteur, qui avoit mis tout en usage pour rompre cette liaison. Entre plusieurs ouvertures qu’elle lui proposa, il choisit celle de suborner un des Espions de l’État, pour accuser le Docteur d’avoir tenu des discours injurieux au Gouvernement Vénitien ; crime pour lequel on sait que la rigueur est extrême dans cette inquiète République. La Ville de Venise est remplie de ces espions, dont l’unique office est de veiller sur le langage des Étrangers. M. Barlet fut arrêté, sans savoir d’où le coup étoit parti. Cependant, un des trois Inquisiteurs d’État, qui composent un Tribunal redoutable, eut assez de pénétration pour découvrir son innocence, dans un entretien de quelques momens, & lui fit rendre la liberté. Tout éloigné qu’il étoit de soupçonner son Éleve, mille autres chagrins, qui lui paroissoient inévitables, le firent penser à quitter son emploi. Il n’écrivoit point en Angleterre, sans demander cette liberté comme une faveur.