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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 2, 1763.djvu/262

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Histoire

une belle fortune ! Mais il est impossible qu’elles tentent son Tuteur. Un homme tel que Sir Charles ne se mettra jamais à prix. J’observe la contenance, les discours, l’air de cet Enfant, lorsqu’on parle de lui, & je vois avec compassion qu’elle ne peut l’entendre nommer, sans que ses yeux s’en ressentent. Elle perd toute attention pour ce qui l’occupoit ; & ses regards s’attachent sur la personne qui parle, comme s’ils cherchoient à voir le jour au travers. Elle ne sauroit, dit-elle, entendre & travailler à la fois. Ensuite elle soupire. En vérité, chere Lucie, il n’y a plus moyen de le louer devant elle. Ce sont des soupirs continuels. À cet âge encore ! Mais qui l’avertira du danger ?

Ce qui me rend un peu plus attentive à toutes ses actions que je ne l’aurois été, malgré l’observation de M. Dean, c’est un mot ou deux hazardés par Mylady L… qu’elle tient peut-être de sa Sœur, & que Miss Grandisson a tirés vraisemblablement de la Lettre dérobée ; car elle m’en avoit touché quelque chose, quoique j’eusse cru alors que c’étoit dans la seule vue de piquer ma curiosité. Il s’agit d’une proposition qui est plus que probable qu’on doit me faire, d’emmener cette jeune personne avec moi dans ma Province…, avec moi, qui ai besoin moi-même d’une Gouvernante. Mais qu’on me la fasse, cette proposition.

Dans une conversation qui vient de finir entre nous autres femmes, & qui a roulé