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Histoire

jour, par mille circonstances qui trahissent les Amans. Mylord lui confessa que ses sentimens n’étoient pas ignorés, & qu’ayant demandé à Miss Caroline la permission de les déclarer à son Pere, elle s’en rapportoit uniquement à ses volontés. Il parut embarrassé, & sa réponse fut bizarre : « Il souhaitoit, dit-il, que ce ne fût pas Mylord qui eût inspiré ces folles idées à sa fille. Il en avoit deux ; vouloient-elles commencer à faire le sujet d’autant de Romans ? Jusqu’alors, ajouta-t-il, elles avoient été fort modérées. Il n’étoit pas d’avis de laisser si-tôt aux jeunes personnes de ce sexe le soin de penser à leur propre bonheur. Combien de filles simples & paisibles avoient perdu la tête à cet âge, pour avoir passé quelques jours avec un homme ? Il ne concevoit pas pourquoi de jeunes Avanturiers se mêloient de découvrir dans les filles d’autrui des qualités, que leurs propres Parens ne s’étoient pas encore donné le tems d’y appercevoir. Mais il se flattoit, du moins, qu’une fille née de lui n’avoit pas contribué d’elle-même à cette découverte. »

Que pensez-vous, ma chere, d’un Pere tel que Sir Thomas ? sa vie n’avoit-elle pas été fort plaisante, pour se croire en droit de tenir ce langage ?

En vérité, Mylord, continua-t-il, je ne puis encore supporter la pensée de marier aucune de mes deux filles ; elles n’ont point été élevées dans le terroir ardent de Londres.