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AVERTISSEMENT.



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’AI fait un Dictionnaire François afin de rendre quelque service aux honnêtes gens qui aiment notre Langue. Pour cela j’ai lu nos plus excellens Auteurs, & tous ceux qui ont écrit des Arts avec réputation. J’ai composé mon livre de leurs mots les plus reçus, aussi-bien que de leurs expressions les plus-belles. Je marque les diferens endroits d’où je prens ces mots, & ces expressions à moins que les termes & les manieres de parler que j’emploie ne soient si fort en usage qu’on n’en doute point.

En faveur des Etrangers, on a ajouté aux mots, & aux phrases des bons Ecrivains le genre de chaque nom avec la terminaison féminine des adjectifs, & l’on en a donné des exemples. On a expliqué les diverses significations d’un même mot, découvert le sens des dictions dificiles, ou équivoques, mis le régime des verbes, & des adjectifs, & même quand les verbes sont irreguliers, ou mal-aisez à conjuguer, on en a marqué la prémiere personne du présent, du préterit, du futur, & de l’imperatif.

Pour rendre l’ouvrage encore plus-utile, on y fait entrer les termes ordinaires des Arts, & presque toutes les remarques qui jusques ici ont été faites sur la Langue. On montre le diférent usage des mots, leur aplication dans les divers stiles, & la maniere dont on les doit prononcer lorsqu’ils ne se pronōncent pas comme ils s’écrivent.

A l’égard de chaque mot, on a observé cet ordre. On a commencé par le sens propre avec les façons de parler qui se raportent à ce sens. On y a joint le figuré avec ses phrases. On a accompagné cela de quelques proverbes, au cas que sur le mot il y en ait eu de raisonnables, & on a marqué si le mot est un terme d’art, s’il est vrai qu’il en soit un.

Touchant l’Ortographe, on a gardé un milieu entre l’ancienne, & celle qui est tout à fait moderne, & qui défigure la Langue. On a seulement retranché de plusieurs mots les lettres qui ne rendent pas les mots méconnoissables quand elles en sont otées, & qui ne se prononçant point, embarassent les Etrangers, & la plu-part des Provinciaux. On a écrit avocat, batistere, batême, colére, mélancolie, plu, reçu, revuë, tisanne, tresor, & non pas advocat, baptistere, baptême, cholere, melancholie, pleu, reveue, ptisane, thresor.

Dans la même vuë on retranche l’s qui se trouve apres un é clair ; & qui ne se prononce point, & on met un accent aigu sur l’é clair qui accompagnoit cette s : si bien que présentement on écrit dédain, détruire, répondre, & non pas desdain, destruire, respondre.

On retranche aussi l’s qui fait la silabe longue, & qui ne se prononce point, soit que cette s, se rencontre avec un è ouvert, ou avec quelque autre lettre, & on marque cet e ou cette autre lettre d’un circonflexe qui montre que la silabe est longue. On écrit Apôtre, jeûne, tempête, & non pas Apostre, jeusne, tempeste. Cette derniére façon d’ortographier est contestée. Néanmoins, parce qu’elle empêche qu’on ne se trompe à la prononciation, & qu’elle est autorisée par d’habiles gens, j’ai trouvé à propos de la suivre si ce n’est à l’égard de certains mots qui sont si nuds lorsqu’on en a oté quelque lettre qu’on ne les reconnoit pas.


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