Page:Richelet - Dictionnaire françois, 1694, P1, A-L.djvu/12

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A l’imitation de l’illustre Monsieur d’Ablancourt, Preface de Tucidide, Apophtegmes des Anciens, Marmol, &c. & de quelques Auteurs celébres, on change presque toujours l’y grec en i simple. On retranche la plu-part des lettres doubles & inutiles qui ne défigurent pas les mots, lorsqu’elles en sont retranchées. On écrit afaire, ataquer, ateindre, dificulté, & non pas affaire, attaquer, difficulté, &c.

Chacun se conduira là dessus comme il le trouvera à propos. Je ne prétens prescrire de loix à personne. Je raporte seulement ce que j’ai vû pratiquer par d’habiles gens, & ce que j’ai appris de feu Monsieur d’Ablancourt l’un des plus excellens Esprits & des meilleurs Ecrivains de son siécle. Comme il me faisoit l’honneur de m’aimer avec tendresse, il m’a découvert une partie des misteres de nôtre Langue, & dans la créance où il étoit que j’avois profité des heureux momens de son entretien, il me confirma à sa mort son affection par l’ordre qu’il me donna de revoir ses derniers ouvrages. J’ai aussi tiré pour mon travail beaucoup de lumieres du judicieux Monsieur Patru qui sait à fonds ce que nôtre Langue a de plus fin, & de plus délicat, & qui dans l’éloquence du Barreau a trouvé une route nouvelle & pleine de charmes. Il m’a éclairci mes doutes avec une bonté singuliére, & c’est par ses avis que j’ai rendu mon travail plus suportable. Mais parce que dans un ouvrage lassant & long, l’esprit s’abat & s’endort quelquefois, il est presque impossible qu’il ne s’y soit glissé des fautes.

Un homme seul ne sauroit tout voir. Un Dictionnaire est l’Ouvrage de tout le Monde. Il ne se peut mêmes faire que peu à peu, & qu’avec bien du tems. Des personnes illustres dans les lettres travaillent depuis prés de 43. ans à un Ouvrage de cette nature, & toutefois ils n’en sont pas encore venus à bout. En attendant que leur travail paroisse, & vienne heureusement remplir les vœux du public, on met en lumiére ce Dictionnaire qui est une espèce d’aventurier qu’on rendra plus digne de voir le jour si les honnêtes gens qui sont éclairez nous font la grace de marquer les choses en quoi on leur aura pû déplaire. On corrigera, on retranchera, on ajoûtera ce qu’ils trouveront à propos. Le public leur sera obligé, & on les remerciera des bontés qu’ils auront euës.

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Avertissement, sur cette Nouvelle & derniére Edition.

CE Dictionnaire a été si bien reçu du public tant en France que dans les Païs Etrangers, qu’on en a fait & débité diverses Editions, sans avoir rien changé dans le premier Ouvrage. On a taché d’éxécuter à présent, ce qu’on avoit promis à la fin de l’Avertissement précédent. On a revu le premier Ouvrage avec quelque exactitude, on l’a corrigé en quelques endroits & on y a ajouté une tres-grande quantité de mots, de phrases & de nouvelles Observations que l’on a jugé nécessaires, tant sur la Langue que sur les Arts & les Sciences, outre les anciennes Remarques qu’on a insérées dans le corps de l’ouvrage. On s’est éforcé de faciliter, autant qu’on a pu l'exprimer, la prononciation des mots qui ne se peut pourtant jamais bien aprendre qu’on ne les entende prononcer de vive voix. Et parce que l’une des principales dificultez consiste dans la diférente prononciation de la lettre E, on a pris soin de la faire remarquer dans les endroits les plus considérables par la différence des accens qu’on a mis sur cette lettre. Surquoi le Lecteur est prié de consulter d’abord la remarque qu’on a mise sur la lettre E, dans la page 945. de la prémiére partie de ce Dictionnaire, que l'on a suivie dans tour le cours du Livre. Mais si l’on rencontre quelques mots où cela n’ait pas été observé, on aisément que ce sont des fautes d'impression, qu'on n'a pu éviter quelque soin qu'on ait pris de les bien corriger.


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