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la chanson des gueux


II

PREMIER DÉPART


Quand s’entrouvrent les yeux des marguerites blanches,
Quand le bourgeon tremblant palpite au bout des branches,
Quand les lapins frileux commencent, le matin,
À sortir du terrier pour courir dans le thym,
Quand les premiers oiseaux chantant leurs chansonnettes
Font dans le ciel plus pur vibrer leur voix plus nettes,
À l’époque où le monde heureux se rajeunit,
Les petits mendiants doivent quitter leur nid.
Ils sortent de la hutte où, comme des marmottes,
Ils ont dormi l’hiver auprès d’un feu de mottes,
Cependant que la mère attisait le brasier
Et tressait en chantant des corbillons d’osier.
C’est à vendre ces blancs hochets aux verts losanges
Qu’ils vont gagner leur pain, les pauvres petits anges.
Le père est mort depuis quatre mois. La maison
Est trop chère à louer, et pour cette raison
La mère chez autrui va devenir servante.
On se retrouvera pour la saison suivante,
Quand on aura gagné quelque argent cet été.