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Page:Richepin - La Chanson des gueux, 1881.djvu/16

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V
préface

a de par le monde une assez grande quantité de personnes, parfaitement honorables, qui me serrent encore la main, comme si je n’étais pas déshonoré. Il y en a aussi qui n’ont pas trouvé mon livre à ce point mauvais ; car ils l’ont acheté, l’ont fait acheter à leurs amis et connaissances, m’en ont adressé des éloges ; et j’en sais une demi-douzaine qui le mettent en bonne place dans leur bibliothèque, jusqu’à l’avoir orné d’une reliure riche, le traitant à la façon d’une belle créature que son amoureux croit digne d’une belle robe. Tu vois bien que notre souteneur de la vertu, notre porte-queue du bon goût, n’avait pas tant raison et n’a pas produit tant d’effet.

Donc, toute réflexion faite, ne défends pas à ton fils d’être poète, s’il le veut, et s’il le peut. Au besoin même, console-le d’avance des attaques de la critique par cet adage latin : Censura perit, scriptum manet. Au cas où il ne saurait pas le latin, apprends-lui ce délicieux proverbe turc : Le chien aboie, mais la caravane passe.

Pour ce qui touche à la Justice, tu me permettras d’imiter le bon soldat, qui, au dire de M. Scribe, doit souffrir et se taire sans murmurer.

Outre qu’il est toujours inutile et souvent même