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Page:Richepin - La Chanson des gueux, 1881.djvu/295

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la chanson des gueux

Alors, entrant dans sa tanière,
Les bras nus, comme un belluaire,
Tu prends le monstre à la crinière,
Tu te roules sur lui, vainqueur ;
Et serrant la bête domptée
Comme Hercule faisait d’Antée,
Devant la foule épouvantée
Tu brises ses reins sur ton cœur.

Mais il faut que tu te reposes
Et des soupirs et des sanglots.
Vas-tu donc effeuiller des roses
Ou bien secouer des grelots ?
Non. Ton rire, énorme et fantasque,
Se tord aux rides de ton masque,
Et l’on dirait une bourrasque
Qui lutte avec des flots grondants.
Fi du sourire fin et mièvre !
C’est l’ironie et c’est la fièvre
Qui met dans le coin de ta lèvre
Le pli des sarcasmes stridents.

*

Et comment pourrais-tu ne pas être ironique ?
Ainsi qu’un carrefour, ton esprit communique
Aux ruelles sans nombre, aux passages obscurs,
D’où l’on voit déboucher, grouillant entre les murs,
Ceux-ci pieds nus, ceux-là faisant sonner leurs bottes,