Page:Richepin - La Chanson des gueux, 1881.djvu/301

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
264
la chanson des gueux


L’autre pétrira la lumière
Sur sa toile ; l’autre, levant
Son rude marteau sur la pierre,
Y tordra son rêve vivant ;

Celui-ci doit trouver la gamme
Des airs qu’on chantera demain ;
Celui-là cherche l’amalgame
D’où naîtra le bonheur humain ;

Tous avec une voix certaine
Escomptent l’avenir douteux ;
La postérité si lointaine
A l’air de marcher devant eux ;

Et tous ces inventeurs de pôles,
Tous ces bâtisseurs de Babel,
Pensent porter sur leurs épaules
Ainsi qu’Atlas le poids d’un ciel.

Hélas ! les rêveurs noctambules
À qui l’on jetterait deux sous !
En les voyant enfler leurs bulles
On les prend pour des hommes soûls.

Soûls, en effet, les pauvres diables,
Et plus soûls que vous ne pensez !
Car leurs gosiers insatiables
Ont bu des alcools insensés.