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la mer

Et les focs par flicflacs se gonflent à l’envers.
Les matelots, couverts d’embrun, semblent tout verts.
Souque ! Attrape à carguer ! Pare à l’amarre ! Et souque !
C’est le coup des haleurs et du câble à rimouque.

La oula ouli oula oula tchalez !
Hardi ! les haleurs, oh ! les haleurs, halez !

Les voici. Tout d’abord les malins du halage,
Les aristos ! De vieux pêcheurs, venus à l’âge
Où la poigne n’est plus poigneuse aux avirons ;
Mais, tout de même, encor larges des palerons,
Ayant toujours un peu de sève sous l’écorce,
Râblés, et, s’il le faut, bons pour un coup de force.
Puis, des veuves et des grands-mères, qui n’ont plus
Personne à la maison et personne aux chaluts,
Et qui gagnent leur vie à présent toutes seules.
Malgré leurs cheveux blancs, solides ces aïeules !
Hautes et droites sous leur coiffe et leur fichu,
Elles ont les yeux clairs et le grand nez crochu
Ainsi que des oiseaux rapaces. Sous leur cotte
Leurs jambes sèches vont d’un pas vif qui tricote
Et montre les tendons de leur jarret nerveux.
Quand ces gaillardes-là se prennent aux cheveux,
L’homme lui-même a peur de leurs pattes d’araignes,
Économes d’argent, mais prodigues de beignes.

La oula ouli oula oula tchalez !
Hardi ! les haleurs, oh ! les haleurs, halez !