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les gas


Viennent aussi des bat-la-flemme, des sans-douilles,
Fainéants, suce-pots, grands dépendeurs d’andouilles,
Qui dans tous cabarets ont tué leur je dois,
Et qui ne font jamais œuvre de leurs dix doigts
Sinon lorsque la faim trop fort leur crie au ventre
Et lorsque dans le dos leur estomac leur rentre.
Par les autres, qui vont partager avec eux,
Ils sont mal vus, ces faux haleurs, mauvais péqueux
Qui flibustent leur tour et rognent leur salaire.
Mais comme ils sont plus forts, il faut qu’on les tolère,
Et les moins crânes leur font place au milieu d’eux.
En loques, rapiécés, mais à la six-quat’deux,
On devine qu’ils n’ont point de sœur, point d’épouse,
Plus de mère, qui les nettoie et les recouse.
La crasse en champignons s’écaille sur leur peau ;
Et leur pan de chemise ainsi qu’un noir drapeau.
Montrant leur triste viande aux trous de leur culotte.
Aux fesses de ces grands enfants pend et ballotte.

La oula ouli oula oula tchalez !
Hardi ! les haleurs, oh ! les haleurs, halez !

Sautillant, boitillant, tortillant de la croupe.
Arrive enfin le tas des gueux, comme une troupe
De canards éclopés qui poussent des couincouins.
Ce sont les vieux pouillards, les gouines et les gouins.
Hommes ou femmes, tous des dégaines pareilles !
Des calus plein les mains, du poil plein les oreilles,
Les pieds tors, les genoux fourbus, la gibbe aux reins,
Tous plus ou moins quillots de leurs arrière-trains.