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Page:Richepin - La Mer, 1894.djvu/187

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les gas

Et sous le vieux prélart tanné par le poudrain
La poulie a sa graisse et le câble son brin.
Donc, comme un verre, ouvert ; fermé comme une buire ;
Cœur tendre à se détendre et cuir de dur-à-cuire. —
Et je fis bien souvent des efforts superflus
Pour qu’il s’expliquât mieux, je n’en eus rien de plus.
Du reste, il méprisait les terriens, jus de cancre.
Quant à la terre : — Un vieux ponton toujours à l’ancre,
Une épave au rancart, une huître à son rocher,
Un cul prenant racine au banc sans décrocher.
Et votre air, ça qui sent le renfermé ! Le nôtre,
Ça vient de l’air et pas de la gueule d’un autre.
Pour respirer du frais, du neuf et de l’entier,
Et de première main, vive le morutier !
— Pourtant, là-bas, l’amorce et la chair corrompue.
Et la chambrée en tas, il paraît que ça pue.
— Ça pue ! Ah ! par exemple ! on en est embaumé.
Humez-moi donc le poil. De l’élixir de mé ! —
Il fleurait le tabac, le coltar, l’eau-de-vie,
Le poisson rance. — Hé ! dit-il, ça fait envie.
N’est-ce pas ? On en a plein son nez, les plus creux.
Voyez-vous, les marins, n’y en a que pour eux ! —
Et de rire. Il était heureux, ce pauvre hère.
Pourtant je connaissais sa vie et sa misère.
C’est un rude métier, d’être Terre-neuvat !
Et lui, qui l’avait fait trente ans, disait : — Bon vat !
Oui, dame ! on file ainsi son nœud tant que ça dure.
N’a du dur dans la douce et du doux dans la dure ;
Mais à force de quarts on amène le jour.
Ben sûr qu’à tout compter n’a du contre et du pour.