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les grandes chansons

Semons les fleurs plus éclatantes
Qui germent du pied de nos tentes,
Les têtes encor dégouttantes
De pourpres et de vermillons,
Et dans nos charges hors d’haleine
Laissons après nous sur la plaine
Comme un manteau de grise laine
Notre poussière en tourbillons ! —

Ils vont. Tel un guèpier rapace
Essaime en masse hors du nid.
Ils vont. On dirait que l’espace
Devant leur pas se racornit.
Ils vont en nombre intarissable
Et pareils à des grains de sable
Dont la cendre est méconnaissable
Quand l’ouragan les réunit
Et dans son essor les entraîne
Sans qu’un seul atome s’égrène.
Si bien que cette molle arène
Roule comme un bloc de granit.

Mais après l’Attila farouche
Qui surgit en les soulevant
Au souffle orageux de sa bouche,
Ils sont cendre comme devant.
On les voit alors se dissoudre,
Et du nuage plein de foudre
Le dur granit redevient poudre
Qui s’éparpille en se crevant,