Page:Richepin - La Mer, 1894.djvu/320

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
306
la mer

Or peut-être, après tout, que ce n’est pas démence
De voir dans notre globe un animal immense.
Encore inconscient sans doute, mais vivant,
Ayant pour corps la terre, et pour souffle le vent,
Et pour poils les forêts, et pour cri la tempète ;
Et si, vivante ainsi, la gigantesque bête
A des veines où roule un sang plein de vigueur.
L’eau n’est rien que ce sang, la mer en est le cœur.

*


Et maintenant que par l’image
Je t’ai conté la goutte d’eau,
Écoute ça qu’elle ramage.

Ote ce ténébreux bandeau
Dont, parlant de science en rimes,
J’ai dû l’infliger le fardeau.

À me suivre si tu t’escrimes,
Et si pour toi mes rudes vers
Scientifiques sont des crimes,

Songe que dans ces grands bois verts
Et vierges je cherche ma route
Par des sentiers non découverts.