Page:Richepin - La Mer, 1894.djvu/345

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
331
les grandes chansons

III

ADIEU VAT


Ainsi le naufragé sans barre et sans compas.
Au moment de sombrer sous la vague profonde
Vers des abîmes noirs où n’atteint point la sonde,
Sûr qu’aux requins son corps va servir de repas,

Veut arracher du moins sa mémoire au trépas.
Et la lègue, livrée à la grâce de l’onde,
Aux flancs garnis d’osier d’une bouteille ronde
Que la mer roulera, mais ne brisera pas ;

Ainsi, sur l’Océan de ce siècle d’orages,
Je veux mettre mon nom à l’abri des naufrages
Dans l’osier de ces vers solidement tressés.

Et j’espère qu’un jour, après mille aventures,
Ô flots en qui j’ai foi, flots qui m’engloutissez,
Vous le déposerez sur les plages futures.