Page:Richepin - La Mer, 1894.djvu/42

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
30
la mer


Tour d’ivoire, redoute aux remparts sans crevasse ;
Au sommet de laquelle en contemplation
Les fidèles pieux voient leur Dieu face à face !

Tour d’ivoire où le Christ parle à sa nation.
Et donne à ses élus les clefs adamantines
De la porte qui clôt la céleste Sion,

Tour d’ivoire, lieu saint dont j’ai fait des sentines,
Renonçant à ma part du délice promis,
Volontaire exilé des fausses Palestines !

Tour d’ivoire d’où les mécréants sont vomis !
Mais Tour d’ivoire aussi de la science obscure
Qui doit mieux que la foi consoler ses amis.

Maison d’or où se tient, les mains sur la figure,
Celle dont Héraclite a vu l’œil caverneux,
Celle dont le sourire éclairait Épicure,

Celle dont le baiser s’épanouit en eux,
Celle que les chrétiens ont cru mettre au suaire
Et qui le déchira de ses doigts lumineux,

La Nature, l’informe, à qui nul statuaire
Ne peut forger un corps et qui vit cependant,
Dernière déité du dernier sanctuaire !

Maison d’or où nous la verrons ! En attendant
Que nous ayons conquis les suprêmes sagesses
Et que de l’infini l’homme soit confident,