À la table divine où l’on doit manger vite
La jeunesse prodigue en passant vous invite.
Il faut mettre à profit cet hôte hasardeux,
Qui reçoit une fois les gens, mais jamais deux.
Maîtresse, c’est pourquoi je bois à perdre haleine,
Pourquoi je veux avoir toujours la bouche pleine,
Pourquoi mes appétits, sans paraître apaisés,
Font si large bombance au banquet des baisers.
Et ne me parle pas, toi, d’y mettre bon ordre !
Laisse-moi tout mon soûl m’emplir, bâfrer et mordre,
Me régaler de notre amour comme un goulu.
Je me ferai du mal, soit ! Je l’aurai voulu.
Mais au moins, quand viendra le jour épouvantable,
S’il doit venir jamais, d’abandonner la table,
Je ne m’en irai pas, ainsi que ces piteux
Qui laissèrent passer leur bonheur devant eux ;
Je m’en irai repu, la gueule satisfaite,
Le nez rouge, les pieds dansants, les yeux en fête ;
Je chanterai, même en roulant dans les ruisseaux ;
Je scandaliserai les bourgeois et les sots ;
Et quand la Mort avec sa lanterne pâlotte
Viendra me ramasser pour me mettre à sa hotte,
Je ne sentirai pas son crochet de biffin,
Je n’aurai pas fini de cuver tout mon vin.
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