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nivôse


Ils voguaient à pleines voiles,
Et les chants des matelots
Faisaient sourire les flots
Et se pâmer les étoiles.

Tous les parfums de l’avril
Doraient l’azur sur leurs têtes.
Ils ignoraient les tempêtes,
Et la peur, et le péril,

Et les trombes abhorrées,
Et le mistral, et l’autan,
Et les banquises flottant
Sous l’haleine des Borées.

Mais un jour de noirs soupçons,
De jalousie et de rage,
La grande voix de l’orage
A fait taire leurs chansons.

La mer, comme une mégère
Bondissant les crins épars,
Aux vagues, ces léopards,
Jeta la flotte légère.

Et, meurtris sur les écueils.
Mes bateaux sans mâts ni voiles
Font sous les pleurs des étoiles
Une armada de cercueils.