devant, et en même temps j’y gelais, car il faisait un rude froid.
— Hue ! Dia ! criait le capitaine, et la voiture de gruyères entra en France.
Les lignes prussiennes étaient fort mal gardées, l’ennemi se fiant à la surveillance des Suisses. Le sergent prussien parlait l’allemand du Nord. Notre capitaine parlait l’allemand corrompu des quatre cantons. Ils ne se comprenaient pas. Le sergent fit l’entendu, et pour faire croire qu’il comprenait, nous laissa continuer notre route.
Après sept heures de ce voyage bizarre, nous arrivions de nuit dans un petit village ruiné du Jura.
Qu’allions-nous faire ? Nous n’avions pour armes que le fouet du capitaine, pour vêtement que nos vareuses de paysans, pour nourriture que nos fromages de Gruyères. Notre seule richesse consistait en munitions, en paquets de cartouches que nous avions fourrés dans le ventre de quelques grosses meules de fromage. Nous possédions environ mille coups à tirer, soit deux cents chacun ; mais il nous fallait des fusils, et même des chassepots.
Heureusement, le capitaine était inventif et hardi. Voici ce qu’il imagina.
Tandis que nous restions à trois, cachés dans une cave du village abandonné, il continua son chemin avec la voiture vide et un homme jusqu’à Besançon. La ville était investie ; mais on peut toujours entrer dans une ville de montagne, en suivant les plateaux jusqu’à environ cinq lieues des murs, et en prenant