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Page:Richepin - Les Morts bizarres, 1876.djvu/237

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LE CHEF-D’ŒUVRE DU CRIME

allez voir comme je suis de bonne composition. Pour la curiosité du fait, je veux bien me prêter à ce jeu. Je vous écoute ; je vous avouerai même que je me fais d’avance une fête de voir comment un esprit aussi subtil que le vôtre pourra s’y prendre pour me prouver l’absurde.

— L’absurde ! Mais ce que j’ai raconté est la vérité absolue. Le cocher n’était pas coupable. C’est moi qui ai disposé…

— Je crois vous avoir dit, cher monsieur, que j’ai lu votre nouvelle. S’il vous plaît de me la raconter vous-même, j’en aurai une joie infinie. Mais cela ne me prouvera rien du tout, sinon ce qui m’est prouvé déjà, à savoir que vous avez une imagination singulièrement riche et étrange.

— Je n’ai eu d’imagination que pour commettre mon crime.

— Pas pour commettre ; pour l’écrire, cher monsieur, pour l’écrire. Et tenez, laissez-moi vous dire toute ma pensée là-dessus : Vous avez eu un peu trop d’imagination, vous avez passé les bornes permises à la fantaisie de l’écrivain, vous avez inventé certaines circonstances qui pèchent contre le vraisemblable.

— Mais puisque je vous dis…

— Permettez ! permettez ! Vous souffrirez bien que je me reconnaisse quelque compétence en matière de crime. Eh bien ! je vous assure, la main sur la conscience, que votre crime n’est pas combiné naturellement. La rencontre avec la bonne à la Pitié est trop une chose de hasard. Le chloral (passez-moi le jeu