VIII
Et ce qu’il y a de plus épouvantable, c’est qu’Oscar Lapissotte n’était pas fou. Il avait bien toute sa raison, et n’en était que plus torturé.
— Ainsi, pensait-il, j’ai tous les malheurs. On ne veut croire ni à mon nom, ni à mon crime. Quand je serai mort, je passerai simplement pour Anatole Desroses, un écrivassier qui a eu la veine d’imaginer un seul beau conte ; et on prendra pour un personnage de roman cet Oscar Lapissotte, cet être que je suis, l’homme de sang-froid, de décision, d’action, le héros de la férocité, la négation vivante du remords. Oh ! qu’on me guillotine, mais qu’on sache la vérité ! Ne fût-ce qu’une minute, avant de fourrer mon cou dans la lunette ; ne fût-ce qu’une seconde, pendant que le couperet tombera ; ne fût-ce que le temps d’un éclair, je veux avoir la certitude de ma gloire et la vision de mon immortalité !
On traitait cette exaltation par les douches.
Enfin, à force de vivre dans son idée fixe, et dans la compagnie des fous, il devint fou lui-même.
C’est justement alors qu’on le renvoya en le déclarant guéri.