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DES PROPORTIONS DU CORPS HUMAIN.

dans le livre de Cennino Cennini, et qu’ont en partie adopté les modernes. Dans ce canon ce n’est plus la palme ou le pied, mais c’est la tête avec ses subdivisions qui sert de module. »

En traçant ces règles des proportions humaines, les artistes poursuivaient un double but. Ils cherchaient d’abord à mettre en lumière la raison des harmonies du corps humain, à en fixer la symétrie dans le sens que les Grecs attribuaient à ce mot, c’est-à-dire les rapports qui existent entre l’ensemble et les diverses parties qui le composent ; tous leurs efforts tendaient vers la réalisation, par ce moyen, d’un certain idéal de beauté.

Mais, comme le dit l’auteur de l’article Canon du Dictionnaire de l’Académie des beaux-arts, « l’idée abstraite que l’on peut se faire de la proportion reste supérieure aux choses les mieux proportionnées. La proportion comme la beauté elle-même est un noble tourment de l’intelligence, un puissant mobile de progrès, mais elle ne saurait être réalisée dans ce qu’elle a d’absolu. Les plus grands artistes l’ont poursuivie, et chacun d’eux n’a pu la réaliser qu’en lui imprimant son sentiment individuel. »

D’ailleurs, en formulant un canon, les artistes n’ont pas songé à exécuter toutes leurs figures d’après ce même modèle. Leurs ouvrages le prouvent surabondamment. Dans l’antiquité, ces règles variaient avec le caractère du sujet à représenter, et elles étaient certainement bien différentes, suivant qu’il s’agissait de la statue d’un mortel ou d’un dieu, et, parmi les dieux, d’Apollon, de Mars, de Mercure, ou de Eros, par exemple. On peut donc dire que le canon variait avec le modèle, et qu’il devait exprimer le rapport exact du caractère physique et du caractère moral et intellectuel.

Tel était le but poursuivi par Polyclète lorsqu’il exécuta son Doryphore, type de l’athlète accompli, qui eut tant de renommée, et au sujet duquel on disait qu’il avait mis l’art tout entier dans une œuvre d’art.

Le second mobile, auquel ont obéi les artistes en donnant des règles de proportions, — et il semble que ce soit surtout celui cherché par les modernes, — est moins élevé et d’ordre technique pour ainsi dire. Il consiste à mettre entre les mains de l’artiste un moyen simple qui lui permette de construire des figures proportionnées, de déterminer facilement, par exemple, étant donnée la dimension du personnage, qu’elles doivent être les mesures de chacune des parties ou inversement. Ce n’est plus alors qu’une sorte de guide, dont l’artiste s’éloigne à son gré et qui n’a pas d’autre prétention que de faciliter son travail.

Toutes les recherches des modernes dérivent d’un passage assez obscur de Vitruve, qu’elles commentent, expliquent et cherchent à compléter. Il y est dit, entre autres, que la tête est comprise huit fois dans la hauteur du corps et la face dix fois ; que la taille est égale à la dimension des bras étendus en croix ; et que le centre du corps est au nombril.