Page:Richet - Traité de métapsychique.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les faits de la métapsychique ne sont ni plus ni moins mystérieux que ceux de l’électricité, de la fécondation et de la chaleur. Ils ne sont pas aussi habituels ; et voilà toute la différence. L’absurdité serait donc énorme de ne pas vouloir les étudier, sous prétexte qu’ils ne sont pas habituels[1].

Ce qui est constant, c’est que les observateurs et les auteurs qui se sont occupés de métapsychique, ont une très fâcheuse tendance à considérer leurs observations comme seules exactes, et à rejeter absolument les autres. Ainsi — sauf exceptions, bien entendu — quand on s’est beaucoup et exclusivement occupé de télépathie et de métapsychique subjective, on attache une importance prépondérante à la métapsychique subjective et on se refuse à admettre les phénomènes de télékinésie et d’ectoplasmie, si bien constatés qu’ils soient.

C’est le cas de plusieurs membres éminents de la Société anglaise de recherches psychiques. Ils sont assez facilement satisfaits quand il s’agit de transmission mentale, quoique celle-ci soit parfois explicable par des coïncidences ; mais, dès qu’il est question de phénomènes physiques, ils exigent d’impossibles preuves, même quand celles-ci sont inutiles à la démonstration.

Inversement tel expérimentateur, qui a cru voir une matérialisation superficiellement étudiée, la considère comme bien établie, mais se montre d’une sévérité exagérée et ridicule pour les transmissions de pensée ou les matérialisations décrites par d’autres observateurs, peut-être aussi compétents que lui !

  1. J’ai pu constater un curieux exemple des sottises que la crainte de l’inhabituel (néophobie) peut inspirer à un savant honorable. Lors de l’Exposition de 1900 à Paris, j’ai présenté aux membres du Congrès de Psychologie un enfant de trois ans et trois mois, Pepito Arriola, espagnol, qui jouait étonnamment du piano, composait des marches funèbres ou guerrières, des valses, des habaneras, des menuets, et exécutait de mémoire une vingtaine, et peut-être plus, de morceaux difficiles. Les cent personnes du Congrès l’ont entendu et applaudi. Ce minuscule petit pianiste, véritable prodige de précocité, je l’ai fait venir chez moi, et dans mon salon, deux fois dans la journée, une fois le soir devant de nombreuses personnes différentes, il a joué du piano, sur mon piano, loin de sa mère… Et voilà qu’un psychologue américain, M. Scripture, a annoncé, quatre ans après, que j’avais été victime d’une illusion, et que les airs entendus avaient été joués non par Pepito Arriola, trop petit pour jouer, mais par sa mère !… (Americ. Journ. of Psychology, 1905.)

    L’incrédulité portée à ce degré d’aberration est digne de la crédulité de l’illustre géomètre Chasles qui montrait avec orgueil une lettre autographe — en français — de Vercingétorix à Jules César. Le scepticisme de M. Scripture est de même acabit que la crédulité de M. Chasles.