Page:Richet - Traité de métapsychique.djvu/27

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J’ai tâché de me défendre — encore que je n’aie pu y réussir complètement — contre ces théories prématurées. A quoi ont servi tous les gros livres d’alchimie avant Lavoisier ? Il a plus fait avec sa balance que toutes les dissertations de Goclenius, d’Agrippa, de Paracelse. Si nous voulons que la métapsychique soit une science, commençons par établir fortement les faits. Nos descendants iront plus loin, je n’en doute pas, mais notre mission aujourd’hui est plus humble. Ayons la pudeur de la modération qui sied à l’ignorance.

Et pourtant la métapsychique, à certains égards, n’est guère comparable aux autres sciences. Qu’il s’agisse de métapsychique subjective ou de métapsychique objective, les phénomènes paraissent être dus à une intelligence, alors qu’il n’y a aucune intelligence dans les manifestations diverses de l’énergie. Certes il est possible que cette intelligence, qui apparaît dans les manifestations métapsychiques, soit tout simplement humaine, mais alors c’est une région de l’intelligence humaine qui nous est tout à fait inconnue ; puisqu’elle nous révèle sur les choses ce que nos sens ne peuvent nous révéler, et qu’elle agit sur la matière autrement que par des contractions musculaires. En tout cas le domaine des choses métapsychiques est différent du domaine des autres forces, qui sont très certainement aveugles et inconscientes. Peut-être un jour sera-t-il prouvé que les forces métapsychiques, productrices des phénomènes, sont tout aussi inconscientes que la chaleur et l’électricité. Alors la métapsychique rentrera dans les cadres de la physique classique, de la psychologie classique. Et ce sera un immense progrès. Loin d’en être émus ou attristés, nous en serons plutôt heureux, car il y a une vraie douleur intellectuelle, que personne ne ressent plus vivement que moi, à supposer des forces inconnues, arbitraires et fantaisistes, comme tout ce qui est intelligent.

Mais ce jour n’est pas venu encore, et provisoirement nous conclurons : 1° que les faits de la métapsychique sont réels ; 2° qu’il faut les étudier, sans souci religieux, comme on étudie les autres sciences ; 3° qu’ils semblent dirigés par des intelligences, humaines ou non humaines, dont nous ne saisissons que fragmentairement les intentions.