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258 MÉTAPSYCHIQUE SUBJECTIVE

D'autant plus qu'en réalité, comme maintes expériences l'ensei- gnent, l'âme des désincarnés (pour me servir encore de l'expres- sion des spirites) est extrêmement différente de leur âme réelle, c'est-à-dire de celle qu'ils avaient lors de leur passage dans la vie terrestre. Les cas aussi extraordinaires que celui de Marie-Antoi- nette et de Dickens sont des exceptions rarissimes. Presque toujours les désincarnés sont de très médiocre intelligence, et s'abandonnent à des banalités qui ont un type spécial, une allure spiritoïde, pour prendre le barbarisme pittoresque que Flournoy et Lombroso ont adopté. Ils ont à peine la souvenance de ce qu'ils furent. Ils répon- dent mal aux questions les plus élémentaires. Dans une séance avec EusapiaPaladino (qui d'ailleurs ne produisit jamais de phénomènes subjectifs digues d'intérêts), une main me toucha, et il fut dit par John King que c'était la main de mon père. Comme premier signe d'ideûtité, je lui demandai son prénom (qu'il était si facile de savoir). Mais même le prénom de mon père ne put m'être dit.

Dans une autre expérience, faite avec un médium professionnel, écrivant par l'écriture automatique, et ne me connaissant absolu- ment pas, j'obtins un long message, verbeux et insignifiant, qui se termina par un calembour. « Je fais une — ; je dis nous, j'admire l'art; réunis ces trois mots et tu as le nom de ta mère. » Ma mère s'ap- pelait en effet Renouard. (Raie nous art.) C'est assurément un fait de cryptesthésie ; car ces mots — raie nous art — ne peuvent être fortuits ; mais je me refuse formellement à conclure que l'âme de ma mère n'ait trouvé à me dire que cet infâme jeu de mots.

Qu'Aristote revienne parmi nous, pour nous dire en français, ou en anglais, ou en italien, que l'avenir de l'humanité est dans la croyance aux esprits, j'aurai toujours une répugnance extrême à admettre l'hypothèse que c'est bien Aristote qui parle. Ce qui est dicté par lui, c'est tellement loin de l'œuvre d'AïusioTE, que certai- nement ce n'est pas lui.

Ce qui fait une personnalité, c'est le corps et l'intelligence. Ne parlons pas du corps, depuis deux mille ans transformé en pous- sière et en boue, mais de l'intelligence. Or l'intelligence d'un être humain, ce sont ses imaginations, ses espérances, ses volontés, ses sentiments, son langage, et surtout, plus que le reste, ses souvenirs. Si rien ne reste de cette collection d'images, de sentiments, de

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